ETATS-UNIS : ETRE OU NE PAS ETRE LE NUMERO UN

n° 127 - Printemps 2010

En novembre 2008, Barack Obama est triomphalement élu président des États-Unis. Ses origines, son parcours, sa jeunesse, son charisme lui valent d'être acclamé « premier président du monde ». On attend de lui qu'il manifeste une hauteur de vues suffisante pour transcender les intérêts nationaux... et, en premier lieu, ceux de l'Amérique elle-même. Mais quels que soient ses rêves cachés, Barack Obama est d'abord le président des États-Unis ; il représente son pays et a pour premier devoir de rendre des comptes à son peuple. La désillusion est inévitable, d'autant plus immense que les espoirs étaient démesurés.Les grandes réformes intérieures - universalisation de la couverture santé, limitation des gaz à effet de serre - sont embourbées dans le labyrinthe des procédures du Congrès. En politique étrangère, l'hôte de la Maison-Blanche oscille entre discours grandioses (comme celui prononcé le 9 juin 2009 à l'université du Caire, lorsqu'il tend la main au monde musulman), gestes provocateurs (rencontre avec le Dalaï-Lama alors que celui-ci est en opposition ouverte avec Pékin) et poursuite sur le terrain des interventions engagées par l'administration Bush (Irak, Afghanistan). L'image internationale de Washington s'est améliorée ; pourtant, les défis de fond sont toujours là. Que veulent et où vont les États-Unis ? Où la puissance américaine en est-elle ?
Les États-Unis sont toujours les premiers - au moins pour quelque temps encore - de la classe planétaire. Mais ils ne sont plus au-dessus ; les voici irrémédiablement parmi les autres. Ils ne sont plus sur l'estrade, mais dans la salle, derrière un pupitre (certes, au premier rang !). Les États-Unis restent impressionnants, ils ne sont plus à part.
Au niveau mondial, l'âge impérial américain s'achève. Cette fin peut-elle être heureuse ?
Accoucheur de la mondialisation
En un siècle (fin XVIIIe-fin XIXe), les États-Unis deviennent la première puissance de la planète. Au XXe siècle, ils sont les grands vainqueurs des deux guerres mondiales puis de la guerre froide. Dans une perspective pluriséculaire, hégélienne, les États-Unis sont l'accoucheur de la mondialisation. Ils accèdent à la première place au moment où l'Europe - qui, du XVe siècle à l'aube du XXe, a été le moteur de cette mondialisation - s'autodétruit dans deux guerres atroces (1914-1918, 1939-1945) et perd ses empires. Les États-Unis reprennent le flambeau que l'Europe a laissé tomber. Non seulement ils promeuvent la libéralisation des échanges, formidable stimulant à la création de richesses, mais ils mettent également sur pied le cadre institutionnel qui jette les bases d'une gouvernance globale. À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis conçoivent et même imposent le système onusien : Organisation des nations unies, Fonds monétaire international... En 2003, l'Amérique, en envahissant l'Irak de Saddam Hussein, agit en grand diffuseur de la démocratie et de la mondialisation.
En ces années 2000, les États-Unis pourraient dire, soulagés : mission accomplie ! Enfin presque ! Mais, selon la Bible, celui qui sème le vent récolte la tempête. La superbe réussite des États-Unis dans leur rôle historique a tout de même eu, pour eux, deux effets problématiques. …