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LE RENSEIGNEMENT FACE AUX NOUVELLES MENACES

Né en 1953, Erard Corbin de Mangoux, préfet, a remplacé Pierre Brochand, ambassadeur de France, à la tête de la DGSE - la Direction générale de la sécurité extérieure - en octobre 2008. Collaborateur de Nicolas Sarkozy depuis plusieurs années, il occupait auparavant à l'Élysée le poste de conseiller du président pour les Affaires intérieures. Placé à la tête du Service de renseignement extérieur, qui fait partie du ministère de la Défense, il a été chargé d'y appliquer la réforme du renseignement décidée par le chef de l'État à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en juin 2008. Nicolas Sarkozy a, en effet, voulu renforcer le rôle et les moyens du renseignement en tant qu'outil au service de la défense, de la sécurité et de la politique étrangère de la France. Une telle ambition, sans précédent par son ampleur, était rendue nécessaire par l'évolution de l'environnement international et de la nature des risques et menaces auxquels la France est confrontée. Alors que, dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la plupart des grands pays décidaient de renforcer très sensiblement leurs capacités de renseignement afin de lutter contre le terrorisme et les autres menaces transversales, la France n'a pas engagé un effort d'ampleur comparable. Ses moyens sont demeurés quantitativement inférieurs à ceux dont disposaient le Royaume-Uni et l'Allemagne. Il était donc urgent et impératif d'entreprendre un rattrapage. Ce processus est allé de pair avec une reconnaissance, plutôt nouvelle en France, de l'importance et de la légitimité du renseignement - ce qui s'est aussi traduit par une adaptation du cadre légal et l'instauration d'un contrôle parlementaire (la France étant l'un des derniers pays européens à en être dépourvus). Isabelle Lasserre - Comment devient-on patron de la DGSE quand on a fait toute sa carrière dans la préfectorale ?
Erard Corbin de Mangoux - Tout est affaire de circonstances. Il se trouve que j'appartenais, sous l'autorité des préfets Gaudin et Baland, à l'équipe qui a réalisé la réforme de la police nationale du temps où Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur. J'ai ensuite été choisi comme directeur général des services des Hauts-de-Seine peu de temps avant que le président du conseil général de ce même département ne soit élu président de la République. Il m'a alors demandé de le suivre à l'Élysée, où je suis resté un an et demi, puis il m'a désigné comme directeur à la DGSE. Voilà comment les événements se sont enchaînés. Le président souhaitait probablement placer à la tête des services extérieurs un homme qu'il connaissait personnellement. Il voulait sans doute que cet homme possédât des capacités d'organisation et de management. Et qu'il fût loyal, fidèle aux institutions. Mais tous les directeurs des services extérieurs ont un peu le même profil. Qu'ils soient militaires, préfets ou ambassadeurs, la plupart ne connaissent rien au monde du renseignement et à ses subtilités avant d'être nommés. Après, à eux de faire leurs preuves.
I. L. - Le Livre blanc sur la défense demandé par Nicolas Sarkozy vous assigne une nouvelle fonction : « connaissance et anticipation. » Il a aussi créé un Conseil national du renseignement (1). Pourquoi le président a-t-il ressenti la nécessité de réformer les services de renseignement français ?
E. C. M. - Le président de la République a souhaité disposer d'un nouveau Livre blanc parce que, depuis le précédent, en 1994, l'environnement international avait sensiblement changé et qu'il fallait adapter notre dispositif en conséquence. Ce Livre blanc innove dans la mesure où il porte non seulement sur la défense, mais aussi sur la sécurité nationale. Si l'on veut assurer la sécurité de notre pays, de ses intérêts et de ses ressortissants, il faut en effet avoir une vue d'ensemble des problèmes, qu'ils se situent à l'étranger, à nos frontières ou sur notre sol. Le Livre blanc est arrivé à la conclusion que la connaissance et l'anticipation - dont le renseignement est un élément essentiel- devaient être le cinquième pilier de la défense et de la sécurité nationale (avec la prévention, la dissuasion, la protection et l'intervention). Pourquoi ? Parce que dans le monde globalisé, incertain, complexe et mouvant qui est le nôtre, les menaces sont multiples. Elles proviennent d'États ou d'acteurs non étatiques plus ou moins clandestins et opaques. Il est donc plus indispensable que jamais de recourir au renseignement pour décrypter leur fonctionnement et leurs intentions et anticiper leurs actions afin de pouvoir les entraver. En France, traditionnellement, on connaît mal le renseignement et on s'en est longtemps défié. Contrairement, par exemple, aux Britanniques qui en reconnaissent l'utilité depuis longtemps. Ce Livre blanc et les décisions qu'a prises le président de la République à sa suite constituent donc une petite révolution intellectuelle. …