Les Grands de ce monde s'expriment dans

AFGHANISTAN : LA MISSION DE LA FRANCE

Isabelle Lasserre - Monsieur le Ministre, la guerre en Afghanistan n'est-elle pas vaine ?
Hervé Morin - Si je la trouvais vaine, je ne soutiendrais pas notre politique. J'en tirerais les conséquences et je demanderais le retrait de nos troupes. Pour tout vous dire, c'est une question que je me pose chaque fois que nous devons envoyer des renforts. Chaque fois que l'on exige des renforts, je me demande si nous ne sommes pas en train de nous fourvoyer, comme nous avons pu le faire en d'autres périodes de l'Histoire. Le bilan de l'action internationale, c'est vrai, est en demi-teinte ; il est même dans certains domaines en dessous des attentes initiales et reste encore éloigné de nos standards occidentaux. Mais, par rapport à la situation qui prévalait en 2001, les progrès sont manifestes : Al-Qaïda a vu sa liberté d'action grandement entravée ; un grand nombre de ses dirigeants ont été arrêtés ou éliminés ; des institutions afghanes, comme le Parlement, ont été créées ; et cinq millions de réfugiés sont revenus chez eux. Bien que les acquis soient encore jugés insuffisants par la population, la majorité des Afghans ne souhaite pas revenir en arrière. Il ne s'agit pas seulement d'une guerre au sens classique du terme. Nos militaires ont aussi pour mission de former l'armée et la police. C'est en donnant aux Afghans les moyens de se prendre en main que notre engagement prend son sens. Surtout si cet effort s'accompagne de projets concrets et d'aide financière. Il faut que l'un n'aille pas sans l'autre et qu'enfin Hamid Karzai assume ses responsabilités !
I. L. - Depuis le temps, pourtant, on ne voit guère de porte de sortie...
H. M. - La porte de sortie est inscrite dans le plan du général Stanley McChrystal (1) qui prévoit une montée en puissance des militaires et des policiers afghans. À partir de 2011, les forces de la coalition doivent rendre aux Afghans un certain nombre de zones réparties sur l'ensemble du territoire, comme nous l'avons fait, nous les Français, à Kaboul. Personnellement, j'ai toujours milité - parfois un peu seul, je dois le reconnaître -, au sein de l'Otan, pour que nous adoptions des points d'étape, des marches d'escalier qui seraient autant de repères pour l'opinion publique internationale. Avec la doctrine McChrystal, nous les avons. Si ce transfert ne s'effectue pas, c'est que nous n'avons pas progressé comme nous le pensions et si, après ce transfert, la situation se dégrade à nouveau, c'est que ça ne fonctionne pas. Ce seront des moments clés.
I. L. - Peut-on dresser un premier bilan de la stratégie américaine depuis qu'elle a commencé à être appliquée ? Voit-on déjà les premiers effets de la contre-insurrection ?
H. M. - Après avoir établi un état des lieux, les Américains ont adopté une nouvelle posture que nous avons approuvée : la réaffirmation d'une stratégie globale et d'une approche militaire qui place la population au centre des opérations, ainsi qu'une reprise d'initiative sur le terrain. Concrètement, cette …