Geir Lundestad est la mémoire, le visage et le porte-parole du Comité Nobel norvégien qui, chaque deuxième vendredi du mois d'octobre à 11 heures précises, décerne le fameux prix de la paix portant le nom du savant suédois - l'inventeur de la dynamite - qui l'a instauré. Depuis 1990, cet historien occupe les fonctions de secrétaire du Comité, une institution indépendante bien que composée de cinq personnalités désignées par les partis politiques représentés au Parlement norvégien. Si Geir Lundestad n'a pas le droit de vote, il passe pour exercer une certaine influence auprès des membres du Comité, dont le mandat est renouvelable tous les six ans. Il a, entre autres, pour mission de préparer la documentation nécessaire à la sélection des lauréats potentiels et d'animer les débats jusqu'au vote annuel du Comité, généralement à l'unanimité. C'est aussi Geir Lundestad qui s'exprime auprès des médias, les cinq « sages » préférant rester dans l'ombre. En poste depuis vingt ans, il est donc le garant de la continuité au sein de cette institution dont les décisions jouissent d'un impact médiatique croissant depuis sa première édition, en 1901. Il dirige également l'Institut Nobel d'Oslo, qui coordonne les recherches scientifiques sur les candidats au prix, abrite les archives du Comité (accessibles après une période de cinquante ans) et propose au public de nombreux ouvrages historiques. Né en 1945 à Sulitjelma, commune minière du nord de la Norvège, Geir Lundestad est diplômé d'histoire des universités d'Oslo et de Tromsø. Professeur de civilisation américaine (1979-1988) et d'histoire contemporaine (1988-1990), il a été chercheur à l'Université de Harvard (1978-1979, 1983) et au Centre Woodrow Wilson de Washington (1988-1989). Ce spécialiste des États-Unis a publié plusieurs ouvrages, dont : The American Non-Policy towards Eastern Europe 1943-1947 (1975), America, Scandinavia and the Cold War 1945-1949 (1980), East, West, North, South. Major Developments in International Politics since 1945 (1ere édition en 1985, 4e en 1999) et Empire by integration: the United States and European integration 1945-1997 (1998).
A. J. Antoine Jacob - En octobre 2009, le prix Nobel de la paix était attribué au président Barack Obama. Cette décision déclencha une salve de critiques. Le Comité Nobel récompensait, en effet, un homme qui avait tout juste commencé à mettre en pratique la politique qu'il avait annoncée avant son élection et qui, de plus, venait d'envoyer des renforts en Afghanistan. Près d'un an plus tard, pensez-vous que le lauréat a démontré que ces critiques étaient injustifiées ?
Geir Lundestad - Nous avons eu de longues discussions avant de décerner le prix à Obama. Nous savions que de nombreux arguments plaidaient contre le choix du président américain. Beaucoup pensaient que cette initiative était prématurée. Mais si vous lisez attentivement le testament d'Alfred Nobel, vous verrez que le prix est censé récompenser des efforts effectués « dans l'année précédant » son attribution. Partant de là, Obama était notre homme ! Car, depuis son entrée en fonctions à la Maison-Blanche début 2009, il avait déjà marqué les relations internationales de son empreinte. Il avait changé l'approche américaine sur une série de dossiers : la diplomatie multilatérale ; les négociations sur le désarmement (et, en particulier, l'option zéro pour le désarmement nucléaire) ; une nouvelle politique en matière de changement climatique, etc. Il avait jeté les bases de réalisations importantes. Comme souvent, lorsque de telles bases existent, on espère toujours mieux. Or on commence à voir ce « mieux » se profiler, en particulier en ce qui concerne les relations avec la Russie et le contrôle des armements (1). Le Comité est donc globalement satisfait. En tant qu'historien, je sais qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais les débuts sont prometteurs.
A. J. - L'un des points mis en avant par le président du Comité Nobel, Thorbjørn Jagland (2), le jour de l'attribution du prix, concernait la nouvelle approche du président Obama vis-à-vis du Moyen-Orient. Dans ce domaine, n'est-on pas aujourd'hui encore loin des promesses affichées ?
G. L. - Absolument, ce qui prouve bien qu'il est très difficile d'obtenir des résultats instantanés, surtout dans cette partie du monde. Il est clair que le président américain ne peut pas, à lui seul, imposer la paix ! Il a besoin d'un minimum de soutien régional dans sa démarche. Mais attendons : Obama n'a pas abandonné, au contraire. Il reste dans le coup et il y aura certainement de nouveaux développements. Cela dit, ne nous voilons pas la face : le dossier est extrêmement compliqué. Israël n'a jamais eu un gouvernement conservateur aussi nationaliste et jamais les Palestiniens n'ont été aussi divisés.
A. J. - Jusqu'à quel point le président Obama pourra-t-il aller dans ses pressions sur Israël pour essayer d'améliorer les relations avec le monde musulman - une priorité qu'il a annoncée lors d'un discours désormais célèbre, prononcé au Caire le 4 juin 2009 ?
G. L. - Washington discute actuellement de l'opportunité de proposer son propre plan pour sortir de l'impasse. Si un tel plan est mis sur la table, ce …
A. J. Antoine Jacob - En octobre 2009, le prix Nobel de la paix était attribué au président Barack Obama. Cette décision déclencha une salve de critiques. Le Comité Nobel récompensait, en effet, un homme qui avait tout juste commencé à mettre en pratique la politique qu'il avait annoncée avant son élection et qui, de plus, venait d'envoyer des renforts en Afghanistan. Près d'un an plus tard, pensez-vous que le lauréat a démontré que ces critiques étaient injustifiées ?
Geir Lundestad - Nous avons eu de longues discussions avant de décerner le prix à Obama. Nous savions que de nombreux arguments plaidaient contre le choix du président américain. Beaucoup pensaient que cette initiative était prématurée. Mais si vous lisez attentivement le testament d'Alfred Nobel, vous verrez que le prix est censé récompenser des efforts effectués « dans l'année précédant » son attribution. Partant de là, Obama était notre homme ! Car, depuis son entrée en fonctions à la Maison-Blanche début 2009, il avait déjà marqué les relations internationales de son empreinte. Il avait changé l'approche américaine sur une série de dossiers : la diplomatie multilatérale ; les négociations sur le désarmement (et, en particulier, l'option zéro pour le désarmement nucléaire) ; une nouvelle politique en matière de changement climatique, etc. Il avait jeté les bases de réalisations importantes. Comme souvent, lorsque de telles bases existent, on espère toujours mieux. Or on commence à voir ce « mieux » se profiler, en particulier en ce qui concerne les relations avec la Russie et le contrôle des armements (1). Le Comité est donc globalement satisfait. En tant qu'historien, je sais qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais les débuts sont prometteurs.
A. J. - L'un des points mis en avant par le président du Comité Nobel, Thorbjørn Jagland (2), le jour de l'attribution du prix, concernait la nouvelle approche du président Obama vis-à-vis du Moyen-Orient. Dans ce domaine, n'est-on pas aujourd'hui encore loin des promesses affichées ?
G. L. - Absolument, ce qui prouve bien qu'il est très difficile d'obtenir des résultats instantanés, surtout dans cette partie du monde. Il est clair que le président américain ne peut pas, à lui seul, imposer la paix ! Il a besoin d'un minimum de soutien régional dans sa démarche. Mais attendons : Obama n'a pas abandonné, au contraire. Il reste dans le coup et il y aura certainement de nouveaux développements. Cela dit, ne nous voilons pas la face : le dossier est extrêmement compliqué. Israël n'a jamais eu un gouvernement conservateur aussi nationaliste et jamais les Palestiniens n'ont été aussi divisés.
A. J. - Jusqu'à quel point le président Obama pourra-t-il aller dans ses pressions sur Israël pour essayer d'améliorer les relations avec le monde musulman - une priorité qu'il a annoncée lors d'un discours désormais célèbre, prononcé au Caire le 4 juin 2009 ?
G. L. - Washington discute actuellement de l'opportunité de proposer son propre plan pour sortir de l'impasse. Si un tel plan est mis sur la table, ce …
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