« Catherine who ? » C'est peu dire que la nomination, en novembre 2009, de la baronne Ashton of Upholland, novice sur la scène diplomatique internationale, au poste de Haut Représentant de l'Union européenne aux Affaires étrangères et à la politique de sécurité fut accueillie avec perplexité. La fonction était réservée à un sujet britannique et semblait promise à l'ancien ministre travailliste des Affaires étrangères, David Miliband. Celui-ci finit toutefois par décliner, préférant se réserver pour d'autres ambitions, nationales celles-là. Méconnue, Catherine Ashton l'est aussi dans son propre pays, où elle reste dans l'ombre de son époux, Peter Kellner, un commentateur politique habitué des plateaux de télévision les soirs d'élections et président d'un institut de sondages.C'est tout en discrétion que s'est faite la carrière politique de cette travailliste, petite-fille de mineur. Ancienne militante du désarmement nucléaire à la fin des années 1970, elle travaille d'abord plusieurs années dans l'action sociale et le secteur de la santé. Tony Blair lui met le pied à l'étrier en 1999 en l'envoyant présider le groupe travailliste à la Chambre des Lords - une promotion dont elle tire son titre de noblesse. Elle enchaîne ensuite plusieurs postes de secrétaire d'État, sans toutefois jamais être élue. La presse britannique conservatrice le lui reproche aujourd'hui.
L'arrivée au pouvoir de Gordon Brown en juin 2007 la promeut au poste de leader des travaillistes à la Chambre des Lords, avec une mission délicate - contribuer à assurer l'adoption parlementaire du traité de Lisbonne - dont elle s'acquitte efficacement. Lorsqu'en 2008 Gordon Brown rappelle à ses côtés Peter Mandelson, alors commissaire européen au Commerce, c'est par Catherine Ashton qu'il le remplace - sur les conseils, dit-on à Bruxelles, du président de l'exécutif européen, José Manuel Barroso. À ce poste, elle se montre habile, concluant notamment un important accord de libre-échange entre l'UE et la Corée du Sud. L'ancien premier ministre portugais milite encore en sa faveur l'année suivante auprès de Londres pour le poste de « ministre » européen des Affaires étrangères. Soutien sincère ou crainte d'être éclipsé par un Haut Représentant trop en vue ? Les mauvaises langues penchent pour la deuxième option...
Après des débuts difficiles émaillés de nombreuses critiques, Catherine Ashton prend lentement ses marques. Elle est dotée, sur le papier, de prérogatives d'une ampleur inédite dans l'histoire européenne et elle dispose d'un très important service diplomatique européen créé pour l'occasion. Il lui reste maintenant à donner tort à ses détracteurs qui estiment que sa nomination n'obéit qu'à la volonté des grands États de l'UE de maintenir une diplomatie européenne minimaliste.
L. R. Luc Rosenzweig - Peut-on définir la diplomatie européenne autrement que comme le plus petit dénominateur commun entre les pays membres de l'UE ? On le sait bien, les intérêts des États de l'UE divergent souvent sur les grands dossiers comme, par exemple, le Proche-Orient ou les relations avec la Russie... Dès lors, n'êtes-vous pas condamnée à conduire une diplomatie molle et sans aspérités ?
Catherine Ashton - Je n'adhère pas à la théorie du « plus petit dénominateur commun ». Si c'était le cas, je n'aurais pas accepté le poste que j'occupe depuis novembre 2009 ! Je sais bien que cette vision est, malheureusement, encore répandue dans certains esprits. Mais il faut regarder la réalité. Quel État membre n'a pas intérêt à ce que les efforts de paix au Proche-Orient aboutissent ? Quel État membre n'a pas intérêt à entretenir une relation de confiance avec ce grand voisin qu'est la Russie ? Et lequel de ces deux dossiers pourrait sérieusement être géré de façon « molle et sans aspérités » ?
L. R. - Quelle est votre marge de manoeuvre par rapport aux ministres nationaux des Affaires étrangères de l'UE ?
C. A. - Là encore, je crois qu'il est bon de dissiper certaines idées reçues. Lorsque j'effectue une tournée en Afrique de l'Est pour travailler au renforcement de notre coopération avec les États de la région dans la lutte contre la piraterie, lorsque je vais en Inde discuter de contre-terrorisme et de non-prolifération ou encore lorsque je me rends à Gaza, je le fais pour trois raisons : parce que les intérêts de l'Union européenne l'exigent ; parce que nous en sommes convenus avec les vingt-sept ministres des Affaires étrangères ; et, aussi, parce que je suis sollicitée par nos partenaires des pays tiers en tant que Haut Représentant de l'Union. C'est à l'aune de ces trois paramètres que je mets en oeuvre mon mandat.
L. R. - Avez-vous le sentiment que les États vous ont toujours soutenue comme ils le devraient ?
C. A. - Absolument. Le soutien des États membres a existé dès le premier jour et ne s'est jamais démenti. Il s'est même renforcé suite aux critiques qui m'ont été adressées dans certains articles de presse.
L. R. - Pourtant, lorsque les Chinois, les Américains ou les Russes ont des choses importantes à demander aux Européens, ne téléphonent-ils pas, d'abord, aux chefs de la diplomatie des grands pays de l'UE - le Royaume-Uni, la France l'Allemagne, l'Italie ?
C. A. - Vous touchez à différentes réalités. D'abord, il est légitime que, sur plusieurs dossiers, Washington, Moscou ou Pékin contactent directement les capitales européennes. Je pense, en particulier, aux discussions entre membres permanents du Conseil de sécurité ou du G8. Ensuite, il ne faut pas négliger la capacité des trois grands partenaires que vous citez à décider - selon les cas et selon leurs intérêts - d'appeler les capitales européennes ou, inversement, de privilégier un seul appel, à Bruxelles, pour faire l'économie de vingt-sept démarches. Enfin, les …
L'arrivée au pouvoir de Gordon Brown en juin 2007 la promeut au poste de leader des travaillistes à la Chambre des Lords, avec une mission délicate - contribuer à assurer l'adoption parlementaire du traité de Lisbonne - dont elle s'acquitte efficacement. Lorsqu'en 2008 Gordon Brown rappelle à ses côtés Peter Mandelson, alors commissaire européen au Commerce, c'est par Catherine Ashton qu'il le remplace - sur les conseils, dit-on à Bruxelles, du président de l'exécutif européen, José Manuel Barroso. À ce poste, elle se montre habile, concluant notamment un important accord de libre-échange entre l'UE et la Corée du Sud. L'ancien premier ministre portugais milite encore en sa faveur l'année suivante auprès de Londres pour le poste de « ministre » européen des Affaires étrangères. Soutien sincère ou crainte d'être éclipsé par un Haut Représentant trop en vue ? Les mauvaises langues penchent pour la deuxième option...
Après des débuts difficiles émaillés de nombreuses critiques, Catherine Ashton prend lentement ses marques. Elle est dotée, sur le papier, de prérogatives d'une ampleur inédite dans l'histoire européenne et elle dispose d'un très important service diplomatique européen créé pour l'occasion. Il lui reste maintenant à donner tort à ses détracteurs qui estiment que sa nomination n'obéit qu'à la volonté des grands États de l'UE de maintenir une diplomatie européenne minimaliste.
L. R. Luc Rosenzweig - Peut-on définir la diplomatie européenne autrement que comme le plus petit dénominateur commun entre les pays membres de l'UE ? On le sait bien, les intérêts des États de l'UE divergent souvent sur les grands dossiers comme, par exemple, le Proche-Orient ou les relations avec la Russie... Dès lors, n'êtes-vous pas condamnée à conduire une diplomatie molle et sans aspérités ?
Catherine Ashton - Je n'adhère pas à la théorie du « plus petit dénominateur commun ». Si c'était le cas, je n'aurais pas accepté le poste que j'occupe depuis novembre 2009 ! Je sais bien que cette vision est, malheureusement, encore répandue dans certains esprits. Mais il faut regarder la réalité. Quel État membre n'a pas intérêt à ce que les efforts de paix au Proche-Orient aboutissent ? Quel État membre n'a pas intérêt à entretenir une relation de confiance avec ce grand voisin qu'est la Russie ? Et lequel de ces deux dossiers pourrait sérieusement être géré de façon « molle et sans aspérités » ?
L. R. - Quelle est votre marge de manoeuvre par rapport aux ministres nationaux des Affaires étrangères de l'UE ?
C. A. - Là encore, je crois qu'il est bon de dissiper certaines idées reçues. Lorsque j'effectue une tournée en Afrique de l'Est pour travailler au renforcement de notre coopération avec les États de la région dans la lutte contre la piraterie, lorsque je vais en Inde discuter de contre-terrorisme et de non-prolifération ou encore lorsque je me rends à Gaza, je le fais pour trois raisons : parce que les intérêts de l'Union européenne l'exigent ; parce que nous en sommes convenus avec les vingt-sept ministres des Affaires étrangères ; et, aussi, parce que je suis sollicitée par nos partenaires des pays tiers en tant que Haut Représentant de l'Union. C'est à l'aune de ces trois paramètres que je mets en oeuvre mon mandat.
L. R. - Avez-vous le sentiment que les États vous ont toujours soutenue comme ils le devraient ?
C. A. - Absolument. Le soutien des États membres a existé dès le premier jour et ne s'est jamais démenti. Il s'est même renforcé suite aux critiques qui m'ont été adressées dans certains articles de presse.
L. R. - Pourtant, lorsque les Chinois, les Américains ou les Russes ont des choses importantes à demander aux Européens, ne téléphonent-ils pas, d'abord, aux chefs de la diplomatie des grands pays de l'UE - le Royaume-Uni, la France l'Allemagne, l'Italie ?
C. A. - Vous touchez à différentes réalités. D'abord, il est légitime que, sur plusieurs dossiers, Washington, Moscou ou Pékin contactent directement les capitales européennes. Je pense, en particulier, aux discussions entre membres permanents du Conseil de sécurité ou du G8. Ensuite, il ne faut pas négliger la capacité des trois grands partenaires que vous citez à décider - selon les cas et selon leurs intérêts - d'appeler les capitales européennes ou, inversement, de privilégier un seul appel, à Bruxelles, pour faire l'économie de vingt-sept démarches. Enfin, les …
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