Les Grands de ce monde s'expriment dans

QUE SONT LES AFRIKANERS DEVENUS ?

C'était la troisième fois qu'il venait à Bethlehem. La veille du week-end de Pâques, le 28 mars 2010, le président sud-africain Jacob Zuma rendait visite aux milliers de squatters de ce camp voisin de Pretoria. Un bidonville d'un genre nouveau, empli de visages et de silhouettes inattendus au pays de Mandela : tous ses habitants sont des Afrikaners blancs. « Notre gouvernement est dévoué à tous les Sud-Africains, sans distinction de race, de couleur ou de conviction religieuse », martelait alors le chef de l'État. Comme à chaque occasion... Élu en avril 2009 à la tête de l'Afrique du Sud, le leader du Congrès national africain (ANC) tient pour prioritaire le respect des minorités, rompant ainsi avec l'« africanisme » parfois décrié de son prédécesseur Thabo Mbeki. Quitte à multiplier les déclarations provocantes : « Parmi les Blancs, vous êtes les seuls vrais Sud-Africains », a-t-il asséné en avril 2010 devant un parterre de représentants afrikaners, à Sandton, près de Johannesburg. Ce jour-là, l'homme s'est mis à dos une bonne partie de ses compatriotes d'origine britannique, qui représentent entre 40 et 50 % des Blancs sud-africains, selon l'Institut sud-africain des relations entre les races (SAIRR). Mais il a atteint son but qui consistait, à un an des élections municipales de 2011, à flatter les Africains blancs de langue maternelle afrikaans et à donner des gages de bonne foi à une communauté souvent aussi désemparée que décimée depuis 1990 (1).
De fait, les Afrikaners s'inquiètent pour leur sécurité, pour leur pérennité économique, démographique, culturelle et linguistique ; et ils n'ont pas attendu les promesses présidentielles pour s'atteler à la recherche de solutions de survie efficaces. La croix qu'ils portent depuis vingt ans est certes lourde. Mais cette nation vieille de 300 ans a les épaules larges.
Peur dans les fermes
Le ton est solennel. « N'aggravons pas la situation. Le temps est venu de tous nous unir, Noirs et Blancs, de placer la nation et le pays en première ligne. » À nouveau signé Jacob Zuma, l'appel au calme a été lancé le 4 avril 2010, en plein week-end de Pâques cette fois. L'ancien leader d'extrême droite afrikaner Eugène Terre'Blanche venait d'être tué par deux de ses domestiques noirs. À quelques semaines d'une Coupe du monde qui devait voir tous les projecteurs étrangers se braquer sur le pays, l'Afrikaner Weerstandsbeweging (AWB), son parti d'obédience néo-nazie, jurait vengeance. À Ventersdorp, où était enterré le « leader », ressortaient de vieux drapeaux, comme le vierkleur du Transvaal, et des slogans tus depuis des années. Jacob Zuma ne pouvait plus feindre d'ignorer, au-delà des manifestations de haine raciale, la peur exprimée par les Afrikaners dans les zones rurales.
Deux fermiers sont attaqués chaque jour et deux sont tués chaque semaine, rappelle Agri SA, le plus grand syndicat agricole du pays, qui détaille ses données : 11 785 agressions et 1 804 meurtres depuis 1991. « Et ça continue d'augmenter », précisait son président Andre Botha à l'AFP, en avril 2010. Dans les contrées très …