par
Antoine Jacob, journaliste indépendant couvrant les pays nordiques et baltes. Auteur, entre autres publications, de : Les Pays baltes, Lignes de repères, 2009 ; Histoire du prix Nobel, François Bourin Éditeur, 2012.
Antoine Jacob - En octobre 2009, le prix Nobel de la paix était attribué au président Barack Obama. Cette décision déclencha une salve de critiques. Le Comité Nobel récompensait, en effet, un homme qui avait tout juste commencé à mettre en pratique la politique qu'il avait annoncée avant son élection et qui, de plus, venait d'envoyer des renforts en Afghanistan. Près d'un an plus tard, pensez-vous que le lauréat a démontré que ces critiques étaient injustifiées ? Geir Lundestad - Nous avons eu de longues discussions avant de décerner le prix à Obama. Nous savions que de nombreux arguments plaidaient contre le choix du président américain. Beaucoup pensaient que cette initiative était prématurée. Mais si vous lisez attentivement le testament d'Alfred Nobel, vous verrez que le prix est censé récompenser des efforts effectués « dans l'année précédant » son attribution. Partant de là, Obama était notre homme ! Car, depuis son entrée en fonctions à la Maison-Blanche début 2009, il avait déjà marqué les relations internationales de son empreinte. Il avait changé l'approche américaine sur une série de dossiers : la diplomatie multilatérale ; les négociations sur le désarmement (et, en particulier, l'option zéro pour le désarmement nucléaire) ; une nouvelle politique en matière de changement climatique, etc. Il avait jeté les bases de réalisations importantes. Comme souvent, lorsque de telles bases existent, on espère toujours mieux. Or on commence à voir ce « mieux » se profiler, en particulier en ce qui concerne les relations avec la Russie et le contrôle des armements (1). Le Comité est donc globalement satisfait. En tant qu'historien, je sais qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais les débuts sont prometteurs. A. J. - L'un des points mis en avant par le président du Comité Nobel, Thorbjørn Jagland (2), le jour de l'attribution du prix, concernait la nouvelle approche du président Obama vis-à-vis du Moyen-Orient. Dans ce domaine, n'est-on pas aujourd'hui encore loin des promesses affichées ? G. L. - Absolument, ce qui prouve bien qu'il est très difficile d'obtenir des résultats instantanés, surtout dans cette partie du monde. Il est clair que le président américain ne peut pas, à lui seul, imposer la paix ! Il a besoin d'un minimum de soutien régional dans sa démarche. Mais attendons : Obama n'a pas abandonné, au contraire. Il reste dans le coup et il y aura certainement de nouveaux développements. Cela dit, ne nous voilons pas la face : le dossier est extrêmement compliqué. Israël n'a jamais eu un gouvernement conservateur aussi nationaliste et jamais les Palestiniens n'ont été aussi divisés. A. J. - Jusqu'à quel point le président Obama pourra-t-il aller dans ses pressions sur Israël pour essayer d'améliorer les relations avec le monde musulman - une priorité qu'il a annoncée lors d'un discours désormais célèbre, prononcé au Caire le 4 juin 2009 ? G. L. - Washington discute actuellement de l'opportunité de proposer son propre plan pour sortir de l'impasse. Si un tel plan est mis sur la table, ce qui est très plausible, les Israéliens - et les Palestiniens - écouteront certainement. Mais ensuite ? Il faudra rallier les différentes parties impliquées. Notamment en se montrant plus fermes vis-à-vis d'Israël. Obama a commencé à le faire, alors que nombreux étaient ceux qui s'attendaient à ce qu'il baisse les bras face à l'attitude du gouvernement israélien sur la question des colonies juives dans les territoires palestiniens. Il fera certainement monter la pression, mais il lui est impossible, comme pour tout président américain, de tenter quoi que ce soit qui donnerait le sentiment de compromettre la sécurité de l'État d'Israël. Cette réalité est souvent mise sur le dos du lobby juif. Mais elle s'explique aussi par le soutien dont Israël jouit, aux États-Unis, parmi les chrétiens. Et plus encore, par cette sympathie sous-jacente que le peuple américain éprouve vis-à-vis de cet État. Ce n'est pas la première fois que Washington donne des leçons aux autorités israéliennes, qui en ont désormais pris l'habitude... Un des conseillers de l'ex-président Jimmy Carter me racontait les négociations avec Menahem Begin à propos de deux nouvelles colonies juives. La Maison-Blanche avait souligné qu'elle ne saurait tolérer une telle initiative. Ce à quoi les Israéliens ont répondu : « Très bien, si c'est comme ça, nous en installerons quatre de plus ! » A. J. - Il existe une autre inconnue concernant Barack Obama, sans doute plus préoccupante encore pour son image et sa crédibilité : l'Afghanistan. Ne s'agit-il pas là du talon d'Achille du président ? G. L. - Comme il l'a dit dans son discours d'Oslo, le 10 décembre 2009, il n'est pas toujours possible d'aboutir à une solution pacifique. La guerre était déjà en cours lorsqu'il a pris ses fonctions. Et il est extrêmement difficile de négocier avec des gens comme les talibans ou les membres d'Al-Qaida...L'Afghanistan est le seul pays à avoir expérimenté un régime taliban, et cela pendant plus de cinq ans. Les Afghans n'ont pas aimé. Alors, comment se fait-il que les Américains et le président Hamid Karzaï ne parviennent pas à stabiliser la situation ? Il y a deux réponses. Primo, la présence militaire des États-Unis et de la coalition qu'ils dirigent est perçue comme une invasion étrangère - et Karzaï comme un dirigeant corrompu. Secundo, plus important encore, les Afghans attendent. La population ne veut pas s'opposer aux talibans si ceux-ci doivent l'emporter in fine. Les gens ont peur des représailles. A. J. - Pour en revenir à la décision du Comité Nobel de récompenser un président qui envoie des renforts en Afghanistan, on a dit que ce choix était en contradiction avec l'esprit du Nobel de la paix. Qu'en pensez-vous ? G. L. - Vous savez, on ne compte que très peu de pacifistes parmi les lauréats du Nobel. Il y en a eu, mais ils sont vraiment minoritaires. D'ailleurs, nul besoin d'être pacifiste pour recevoir cette distinction. Vous pouvez être un général ! Il y eut le général Marshall (1953), le général Rabin (1994) et d'autres. Et …
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