LA CHINE ET SA NOUVELLE POSTURE DIPLOMATICO-MILITAIRE

n° 129 - Automne 2010

Le camouflet a été sévère. Que le patron du Pentagone en personne se voie refuser son visa pour la Chine a surpris nombre d'observateurs. À la mi-juin 2010, alors que Robert Gates avait prévu de se rendre à Pékin à l'occasion d'une petite tournée asiatique, les autorités chinoises lui ont fait savoir que le moment n'était pas opportun. Plusieurs rencontres programmées dans le cadre de la coopération militaire avaient déjà été reportées, à l'initiative de la Chine, depuis le regain de tensions consécutif à de nouvelles ventes d'armes américaines à Taiwan. Début juillet, interrogé sur la question, le général Ma Xiaotian, numéro deux de l'Armée populaire de libération (APL), a répondu que Gates « demeurait le bienvenu en Chine, à un moment approprié pour les deux parties ». Cette rebuffade est à l'évidence symbolique d'un phénomène qui a marqué les douze derniers mois : la fameuse « affirmation » chinoise - une politique étrangère de plus en plus ferme et qui n'exclut plus la confrontation. Arrogance pour les uns, montée en puissance naturelle pour les autres, c'est en tout cas le grand sujet du moment. Un organisme américain, Global Language Monitor, a passé au crible Internet, la blogosphère et plus de 50 000 sites de médias mondiaux, et en a conclu que l'émergence de la Chine était le thème numéro un de la dernière décennie. Il devance largement - avec un score quatre fois plus élevé - des questions aussi brûlantes que la guerre en Irak, qui arrive en deuxième position sur Internet, les attentats du 11 Septembre, l'élection de Barack Obama, la crise économique mondiale ou la mort de Michael Jackson...
L'irrésistible ascension de la Chine
L'évolution - sinon la rupture - est évidente et a pu être observée au grand jour au fil des sommets du G20. Il y a ce leitmotiv, entendu depuis des mois, martelant que la Chine n'a plus « aucune leçon » à recevoir des États-Unis en particulier et de l'Occident en général. Le tournant date sans nul doute de l'automne 2008, avec le déclenchement de la grande crise financière et économique. Il fallait entendre, à ce moment-là, lors du Forum économique mondial de Tianjin (le « Davos chinois »), les grands ordonnateurs de la politique macro-économique chinoise railler les « professeurs » américains qui pouvaient désormais ravaler leurs conseils ! Depuis, les passes d'armes sur l'affaire Google ou sur Taiwan, qui ont émaillé l'année 2010, ont illustré l'exaspération croissante face aux « remarques » américaines. Quand la secrétaire d'État Hillary Clinton a critiqué les entraves à la liberté sur Internet, Pékin a violemment répliqué en affirmant que « la Chine n'a pas besoin des leçons que lui administrent les États-Unis sur ce qu'il faut faire et ne pas faire ». Et d'ajouter qu'elle ne pouvait accepter des conditions susceptibles de porter atteinte à sa « sécurité nationale » ou à sa « stabilité sociale ». De la même manière, lorsque Washington a donné son feu vert à la vente d'un nouveau paquet d'armes …