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L'ASIE DU SUD-EST A L'EPREUVE DE LA CRISE

Alors que l'Asie du Sud-Est avait été lourdement affectée par la crise de 1997-1998, elle a, au contraire, étonnamment bien résisté à celle de 2008-2009. Les secteurs bancaires et financiers des pays de l'ASEAN-5 (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) ont fait montre d'une grande robustesse. Quant aux monnaies locales, elles se sont toutes appréciées par rapport au dollar depuis le début de l'année 2009. La croissance dans la zone a fortement rebondi et devrait s'établir, en 2010, entre 5 % (aux Philippines) et 6,8 % (en Malaisie). Singapour se distingue, avec une croissance qui pourrait avoisiner 12,5 % (1). Comment expliquer une telle solidité, guère plus d'une décennie après le grand choc des années 1990 ? La réponse est simple : les entreprises, les banques et les États ont tiré les leçons de la récession et de profondes réformes ont été accomplies. Ce processus a suscité d'abondants commentaires parmi les économistes (2) en 2007, dix ans après le déclenchement des troubles financiers. Aujourd'hui, l'analyse mérite d'être affinée, même si la crise de 2008-2009 n'a pas provoqué de bouleversements structurels comparables à ceux que la précédente avait imposés. Par surcroît, les prévisions de croissance mirifiques pour les deux années à venir ne doivent pas faire oublier les risques liés aux politiques de change (sous-évaluation des monnaies) et aux flux de capitaux massifs qui sont investis dans la région.
Le grand ébranlement de 1997
Revenons en arrière. Depuis les années 1970 au moins, les pays de l'ASEAN-5 ont mis en oeuvre des politiques de développement axées sur les exportations. Les flux de capitaux étrangers vers ceux que l'on surnommait alors les « Tigres asiatiques» (3) se sont accélérés en raison de la fixité des taux de change (pegged exchange rates) et de trois facteurs structurels. Tout d'abord, la faible croissance de l'Europe et du Japon dans les années 1990 a incité les banques et les entreprises financières de ces pays à chercher des occasions d'investissement hors de leur territoire. Deuxièmement, les pays d'Asie du Sud-Est ont bénéficié de crédits bon marché libellés en dollars, grâce aux libéralisations des flux de capitaux impulsées dans la décennie 1980 par Ronald Reagan aux États-Unis. Localement, enfin, les banques ont été incitées à prêter aux secteurs exportateurs. Cette abondance de capitaux et la faiblesse des taux d'intérêt qui en a résulté ont eu pour conséquence de compenser - et de masquer -, au moins en partie, la médiocre rentabilité de nombreuses entreprises. Ainsi se sont tissés les fils de ce qu'on louait alors comme le « miracle asiatique » : d'un côté, des pays occidentaux riches, consommateurs de biens importés, et manquant d'investissements attractifs sur leur sol ; de l'autre, des pays émergents en quête de financements peu chers pour accompagner la croissance de leur secteur privé et bâtir des infrastructures.
Ce processus, parfois mis en oeuvre au forceps par des politiques volontaristes misant tout sur l'export, a eu son revers. Les afflux massifs de capitaux vers l'Asie du Sud-Est ont entraîné le gonflement de bulles …