Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'EUROPE FACE A LA CRISE

Michel Barnier change souvent de casquette, mais il reste fidèle à ses idées. Tour à tour élu local, député, organisateur des Jeux olympiques d'hiver d'Albertville en 1992 avec Jean-Claude Killy, sénateur, commissaire européen, vice-président du groupe Mérieux Alliance, il a été quatre fois ministre - notamment ministre des Affaires étrangères - et s'est toujours défini comme « gaulliste et européen ». C'est à ce titre qu'il est revenu à Bruxelles, en février 2010, pour occuper le poste de commissaire chargé du marché intérieur et des services. Juste avant, il avait animé avec succès la campagne de l'UMP aux élections européennes de juin 2009 et avait été élu au Parlement de Strasbourg.L'Europe ? En bon Savoyard, Michel Barnier pourrait dire à l'instar de Jean-Pierre Raffarin, diplômé comme lui de l'École supérieure de commerce de Paris, que si « la route est droite, la pente est raide »... Au cours des dernières années, le projet des « pères fondateurs » a pris du plomb dans l'aile, l'opinion semble s'en détourner et la crise économique et financière, bien que rappelant chacun aux nécessités de l'union, n'a guère éclairci l'horizon...
Michel Barnier le sait mieux que quiconque. Cela ne l'empêche pas, sa feuille de route à la main, de croire en sa mission et de s'y consacrer corps et âme. Avec un souci du juste équilibre qu'il a encore manifesté dans la récente affaire des Roms. Sans se désolidariser de la Commission - « il y a des valeurs pour moi, pour nous, très importantes, comme la libre circulation et la charte des droits fondamentaux » -, il a ajouté : « Je souhaite que tout le monde retrouve son calme, qu'on évite les polémiques inutiles et certains amalgames historiques qui n'ont pas de sens. »
B. B. Baudouin Bollaert - Qu'est-ce qui vous a poussé à revenir à Bruxelles ?
Michel Barnier - C'est un projet que j'avais en tête depuis longtemps. Je garde un excellent souvenir de mon mandat de commissaire en charge de la politique régionale et des réformes institutionnelles, sous l'autorité de Romano Prodi, de 1999 à 2004. Lorsque, comme moi, on est dans la vie publique depuis de longues années, il faut se demander où se situe sa propre valeur ajoutée. Depuis que je me suis engagé en politique, j'ai toujours été gaulliste et européen. L'avenir de la France passe par une Europe forte et c'est à cette Europe forte, économiquement et politiquement, que j'entends travailler. Après la carrière variée qui a été la mienne, je pense donc que ma valeur ajoutée se trouve ici, à Bruxelles. Je suis revenu grâce à la confiance de Nicolas Sarkozy, qui m'a désigné, et de José Manuel Barroso, qui m'a proposé un poste majeur au sein de la Commission qu'il préside. Nous sommes arrivés à un moment charnière pour l'unité de l'Europe, ce qui renforce ma motivation. Mes deux maîtres mots sont « solidarité » et « unité ».
B. B. - Visiez-vous précisément le poste de commissaire en charge du marché intérieur et des services ?
M. B. - Je ne vais pas utiliser la langue de bois : ma réponse est oui. J'en avais d'ailleurs parlé en 2004 avec Mario Monti, qui avait été commissaire au marché intérieur avant de s'occuper plus tard de la concurrence, et il m'avait encouragé dans cette voie. Vous savez, le marché intérieur, c'est le socle du projet européen. J'ai dans mon bureau la photo de Jean Monnet et de Robert Schuman lançant, le 9 mai 1950, la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Qu'est-ce que la CECA sinon la première pierre du marché intérieur ? Aujourd'hui, comme l'a montré la campagne référendaire de 2005, un grand nombre de citoyens et de dirigeants de petites ou moyennes entreprises en ont peur. Ils ont le sentiment que ce marché n'est pas fait pour eux, qu'il est trop libéral ou trop bureaucratique... Il faut donc les réconcilier avec ce qui demeure la base, le fondement, le coeur de la construction européenne et j'ai bien l'intention d'y travailler de toutes mes forces.
B. B. - On a dit que vous auriez été intéressé par le poste de haut représentant pour les affaires extérieures dévolu finalement à Catherine Ashton. Est-ce vrai ?
M. B. - Le poste occupé par Catherine Ashton avec beaucoup de ténacité et de volontarisme est aussi important que passionnant. Mais j'ai toujours eu en tête, je le répète, un portefeuille économique. Ce qui ne m'empêche pas - car je fais partie d'un collège de commissaires qui prennent leurs décisions ensemble - de m'intéresser à la politique étrangère, à la défense ou à la protection civile, de la même façon que les autres commissaires s'intéressent à mes sujets. Dans la mesure de mes moyens, j'aiderai Catherine Ashton à construire …