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L'IRAK DANS L'IMPASSE

En Irak, une page est, semble-t-il, définitivement tournée. D'une part, l'ère de l'occupation militaire touche à sa fin. Le 31 août 2010, sans fanfare ni gloire, les deux tiers des troupes américaines présentes dans le pays ont achevé leur retrait, mettant ainsi officiellement un terme à leur mission de combat ; elles ne laissent derrière elles qu'une force résiduelle de 50 000 hommes aux seules fins de « conseiller et d'assister » les forces irakiennes. D'autre part, le processus politique chaotique amorcé en 2003 commence, enfin, à porter ses fruits.La violence, autrefois généralisée, a changé de nature et est retombée à un niveau à peu près gérable, en particulier grâce à la professionnalisation accrue de l'appareil de sécurité irakien. L'autorité de l'État a été restaurée sur la majeure partie du territoire et s'appuie désormais sur une réelle aspiration populaire à l'unité nationale et à la reconstruction des institutions centrales. Le bon déroulement des élections législatives du 7 mars 2010 a confirmé les promesses d'une transition démocratique désormais érigée en modèle pour l'ensemble de la région. La participation politique s'est élargie aux exclus d'hier : les Arabes sunnites mais, aussi, les islamistes chiites les plus radicaux qui semblent renoncer à la lutte armée et vouloir jouer le jeu du parlementarisme. Enfin, la signature des premiers contrats entre le gouvernement irakien et plusieurs consortiums pétroliers internationaux a redonné confiance dans les perspectives de reconstruction d'une économie adossée à d'immenses réserves de brut encore largement sous-exploitées.
Il n'en demeure pas moins que l'entité politique irakienne post-baasiste se trouve à un tournant crucial : elle doit prouver, sans tarder, sa capacité à fonctionner sans le tuteur américain. Car, s'ils ont un calendrier de retrait, les États-Unis ne semblent posséder ni stratégie claire ni vision pour l'avenir du pays ; la pression de leur opinion publique - surtout au cours d'une année d'élections de mi-mandat (novembre 2010) -, ainsi que le réinvestissement de leurs moyens militaires et financiers sur la zone « Afpak », relèguent l'Irak au second plan. Cet empressement à se désengager de l'arène irakienne aura un puissant impact déstabilisateur : il va automatiquement engendrer un vide politique et sécuritaire qui, à son tour, produira des ajustements de la part des acteurs irakiens et régionaux. L'interne et l'externe sont intimement liés : la nouvelle configuration du champ politique commande dans une large mesure l'insertion de l'Irak dans son environnement régional, et vice versa.
Or depuis les législatives du 7 mars 2010, le processus politique s'enlise dans l'impasse. Sept mois après les élections, les principaux blocs politiques peinent à s'accorder sur le choix d'un premier ministre et à former un gouvernement à même de refléter les nouveaux rapports de force et les alliances issues du scrutin. Minés par la guerre des chefs, ces blocs trahissent une faible discipline partisane propice à toutes sortes d'alliances contre nature. Surtout, ils consacrent le droit de regard des pays voisins (Iran, Turquie, Arabie saoudite, Syrie) sur toute dévolution du pouvoir à Bagdad.
L'édifice institutionnel érigé à l'abri de …