JERUSALEM : UN BUSINESSMAN A LA TETE DE LA VILLE SAINTE
JERUSALEM : UN BUSINESSMAN A LA TETE DE LA VILLE SAINTE
Entretien avec
Nir Barkat, Maire de Jérusalem depuis novembre 2008.
par
Aude Marcovitch, correspondante de Politique Internationale en Israël.
n° 129 - Automne 2010
Aude Marcovitch - En quoi votre expérience dans le secteur des hautes technologies et des « start-up » vous sert-elle dans vos fonctions de maire de Jérusalem ? Nir Barkat - J'ai passé quinze ans dans le monde des affaires, et j'y ai appris à mettre en place des accords qui satisfont les deux parties, ce qu'on appelle des accords « gagnant-gagnant ». J'ai aussi appris à ne pas négliger les détails. En fait, mon travail consistait à apporter de nouvelles idées sur le marché. Et des idées, c'est exactement ce dont Jérusalem a besoin. A. M. - Vous rêviez de devenir maire de Jérusalem ? N. B. - Pas vraiment. Avant de me lancer dans cette aventure, je pensais que j'allais continuer à développer l'entreprise que j'avais montée avec mes partenaires dans la haute technologie. J'ai d'abord mis un pied dans les rouages de la ville, en compagnie de ma femme, à travers diverses activités philanthropiques. Nous avons investi plusieurs millions de dollars sous forme de dons dans l'enseignement, notamment en achetant des ordinateurs pour les écoles. C'est ainsi que j'ai découvert les défis auxquels la ville est confrontée. J'ai alors compris que, pour changer les choses, mes compétences étaient utiles et j'ai décidé de prendre ma retraite du monde des affaires il y a sept ans. Depuis, j'ai travaillé pour un shekel par an, avec comme objectif de rendre Jérusalem plus attrayante et d'offrir une meilleure qualité de vie. Si vous m'aviez dit il y a dix ans que j'allais me retrouver devant vous et être interviewé en tant que maire de Jérusalem, je vous aurais sans doute ri au nez ! A. M. - Quels sont les changements que vous comptez réaliser sur le terrain ? N. B. - Je voudrais faire de Jérusalem une destination phare pour les touristes du monde entier, toutes confessions confondues. La ville possède un potentiel énorme qui ne demande qu'à être exploité. Si New York, Paris, Londres ou Rome drainent plus de 40 millions de touristes par an, pourquoi Jérusalem se contenterait-elle de deux millions de visiteurs ? Il faut que la ville renoue avec son passé d'il y a 2 000 ou 3 000 ans, qu'elle redevienne un pôle d'attraction. Pour cela, il faut créer un environnement adéquat. D'abord, les infrastructures - les hôtels, les routes - doivent être améliorées afin d'accueillir un plus grand nombre de touristes ou de pèlerins. Ensuite, il faut mettre l'accent sur le marketing, en proposant par exemple des voyages « tout compris » à des prix compétitifs. Jérusalem doit s'adapter pour être en mesure de recevoir 10 millions de touristes par an. C'est, en tout cas, l'objectif que je me suis fixé pour la prochaine décennie. A. M. - Justement, projetons-nous dans l'avenir. Comment voyez-vous Jérusalem dans cinquante ans ? N. B. - En faisant passer le nombre de touristes de 2 à 10 millions par an, nous créerons 140 000 nouveaux emplois. Ils permettront à la ville de sortir de la pauvreté. Les gens auront non seulement du travail, mais leur qualité de vie sera nettement améliorée, ce qui contribuera à réduire les tensions. Tout le monde en sortira gagnant : Israël et le reste du monde, les religieux et les laïcs, les Juifs et les Arabes. Dans leur écrasante majorité, les citoyens de Jérusalem partagent cette vision. Jérusalem a besoin d'être tirée vers le haut. Hormis le tourisme, nous voulons concentrer nos activités sur les sciences de la vie qui, elles aussi, peuvent devenir un important gisement d'emplois. Dans ce domaine, nous nous classons déjà parmi les dix meilleurs au monde, que ce soit pour la recherche génétique, les brevets ou l'industrie pharmaceutique. La recherche et développement doit être notre priorité. Jérusalem est également très bien placée dans le domaine des services financiers, juridiques ou médicaux. Il s'agit de secteurs très pointus qui exigent une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Afin d'attirer les compétences et les investissements, nous devons offrir un cadre de vie attrayant, je vous l'ai dit. De plus en plus d'entreprises misent sur Jérusalem car elles croient en ses potentialités. Malgré la crise économique, la ville a enregistré l'an dernier une croissance de 4 %. Désormais, il faut appuyer sur l'accélérateur et essayer de faire encore mieux. A. M. - Mais, ici, tout est politique et religieux. Le statut de Jérusalem est l'un des points les plus épineux des négociations avec les Palestiniens. Quel est votre point de vue sur ces négociations et sur la place de votre ville dans un éventuel accord ? N. B. - Après ce que je vous ai dit sur le potentiel économique de cette ville, on comprend que seule une Jérusalem unifiée pourra fonctionner. Jérusalem est comme le coeur du monde et l'on ne peut pas diviser un coeur. Il n'y a aucun exemple de ville divisée dans le monde qui ait fonctionné. Jérusalem doit être construite comme une ville unie, la capitale d'Israël sous souveraineté israélienne. Sur ce point, il n'y a rien à négocier. Cela dit, en tant que maire de Jérusalem, je veux faire en sorte que Juifs, musulmans et chrétiens puissent venir ici pratiquer librement leur foi. Jamais depuis 2 000 ans la ville n'a été aussi ouverte ; et nous sommes décidés à l'ouvrir encore davantage. Cet endroit abrite l'âme du peuple juif depuis toujours. Mais nous devons être honnêtes et justes envers les autres croyances. Les résidents arabes, qu'ils soient chrétiens ou musulmans, sont les bienvenus. Il y a de la place pour tout le monde. Concernant les autres éléments des négociations, je partage l'avis du premier ministre Benyamin Netanyahou. A. M. - Y compris l'idée d'un partage de la terre pour faire exister deux États ? N. B. - Tout dépend de la manière dont ces deux États sont définis. Je soutiens une solution à deux États à condition qu'Israël reçoive de réelles garanties de sécurité. Mais, encore une fois, le statut de Jérusalem n'est pas négociable. A. M. - Et où souhaiteriez-vous voir s'installer la capitale d'un …
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