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CHINE:LES AVOCATS DE L'ESPOIR

Entretien avec Jiang Tianyong*
CHINE : les avocats de l'espoir
Cet entretien a été conduitpar Marie Holzman**
* Avocat défenseur des droits civiques à Pékin.
** Sinologue. Auteur, entre autres publications, de : Chine, on ne bâillonne pas la lumière (en collaboration avec Noël Mamère), Jean-Claude Gawsevitch, 2009.
Jiang Tianyong est la figure de proue d'un groupe informel d'avocats que les Chinois ont baptisé « weiquan lüshi », « avocats défenseurs des droits civiques ». Ces dernières années, ils sont progressivement devenus les militants les plus actifs de la cause des droits de l'homme, prenant la relève de dissidents politiques condamnés à la réclusion ou expulsés vers les pays occidentaux. Dans le contexte relativement favorable de la fin des années 1990 et du début des années 2000, ils sont parvenus à créer de nouvelles habitudes au sein d'une population qui tergiversait jusqu'alors avant de s'adresser à la justice pour défendre ses droits. N'hésitant pas à traiter des dossiers considérés comme « sensibles », Jiang Tianyong et ses collègues ont acquis une réputation exceptionnelle aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. En 2007, trois avocats (Mo Shaoping, Teng Biao et Li Jingsong) se sont vu décerner par Rama Yade le Prix des droits de l'homme. Et, en novembre 2009, Jiang Tianyong lui-même a été reçu par des membres du Congrès américain pour apporter son témoignage sur les mauvais traitements subis par certains de ses confrères. Mal lui en a pris : à peine de retour chez lui, il a été interpellé et molesté par des policiers tandis que sa femme était jetée à terre et frappée à son tour devant les yeux horrifiés de leur fille de sept ans... De contrôles en mise sous surveillance, d'assignation à résidence en vexations diverses, la vie de Jiang Tianyong est une longue course d'obstacles.Nombre de ces avocats militants ont signé la « Charte 08 » (1). Cette même charte qui a valu à l'un de ses initiateurs, Liu Xiaobo, une condamnation à onze ans de prison le jour de Noël 2009 ainsi que le prix Nobel de la paix en 2010. Tous défendent le même idéal : la suprématie du droit sur l'arbitraire et la victoire de la raison sur la violence.
Pour museler cette contestation gênante, le pouvoir a mis au point une méthode imparable : « l'appréciation et l'enregistrement annuels ». S'ils veulent exercer leur métier, les avocats doivent disposer d'une licence. Or il suffit qu'ils soient impliqués dans des affaires mettant en cause l'autorité du Parti ou de ses représentants pour que ce précieux permis leur soit provisoirement retiré. Jiang Tianyong fait évidemment partie de ces avocats censurés. Les plus courageux, qui attaquent frontalement le pouvoir sur les terrains minés que sont la répression du Falungong (2) et la brutalité du planning familial, sont condamnés à des peines de prison. C'est notamment le cas de Gao Zhisheng, défenseur du Falungong, torturé, kidnappé et incarcéré, et de Chen Guangcheng, avocat aveugle condamné à quatre ans de prison pour avoir défendu des …