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ETATS-UNIS:TROIS SCENARIOS POUR 2012

Denis Lacorne*
états-unis : trois scénarios pour 2012
* Directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI-Sciences Po). Auteur, entre autres publications, de : La Crise de l'identité américaine. Du melting-pot au multiculturalisme, Fayard, 1997 (réédition Gallimard, 2003) ; De la religion en Amérique. Essai d'histoire politique, Gallimard, 2007 ; La Présidence impériale de Franklin D. Roosevelt à George W. Bush (co-dir. avec Justin Vaïsse), Odile Jacob, 2007 ; L'Invention de la république américaine, Hachette, 2008 ; Les Politiques de la diversité. Expériences anglaise et américaine (avec Emmanuelle Le Texier et Olivier Esteves), Presses de Sciences Po, 2010.
Dès le mois d'août 2010, les modèles statistiques élaborés par huit politologues américains prévoyaient, avec une forte probabilité, la défaite des démocrates aux élections de mi-mandat du 2 novembre. Les variables utilisées étaient les suivantes : la popularité du président ; l'état de l'économie ; et les perceptions populaires des réformes de l'administration Obama. Tous ces modèles prédisaient un recul substantiel du « parti de l'âne », qui détenait 235 sièges sur 435 à la Chambre des représentants du 111e Congrès. Les experts tablaient sur une perte allant de 20 à 54 sièges ; mais aucun n'allait jusqu'à annoncer la « raclée » (shellacking) subie, de son propre aveu, par le président. Le 2 novembre, le parti démocrate perdit pas moins de 65 sièges à la Chambre des représentants : une défaite historique dont l'ampleur dépassait même celle du revers subi par Bill Clinton aux élections de 1994 (1).
Les politologues avaient, pourtant, tenu compte de divers « facteurs structurels » : les élections de mi-mandat sont toujours défavorables au parti au pouvoir ; par surcroît, au cours des deux dernières élections législatives (2006 et 2008), les démocrates avaient gagné 50 sièges - souvent acquis de justesse dans des circonscriptions conservatrices. Dans ces circonstances, la défaite était probable. À l'évidence, les républicains allaient récupérer de nombreux sièges « mal acquis » par des démocrates conservateurs dont l'idéologie politique se différenciait mal de celle de leurs homologues du « parti de l'éléphant ». Les « blue dog Democrats » (2) - ces démocrates du Sud et du Midwest qui votèrent à de nombreuses reprises contre les réformes de l'administration Obama - furent les premières victimes du raz-de-marée républicain : 28 d'entre eux (sur un total de 54) ne furent pas réélus.
Mais pourquoi la déroute des démocrates fut-elle si dévastatrice ? Était-elle le signe d'une transformation fondamentale de l'électorat ? Mettait-elle en évidence le basculement de blocs d'électeurs entiers d'un camp vers l'autre ?
L'analyse des sondages de sortie des urnes ne montre pas de transformation notable de l'électorat. Comme en 2008, la majorité des jeunes de 18 à 29 ans, la majorité des moins éduqués (no high school) et des plus éduqués (postgraduates), ainsi qu'environ 60 % des Latinos et près de 90 % des Afro-Américains ont voté pour le parti démocrate. Et comme en 2008, la majorité des Blancs, la majorité des seniors (plus de 65 ans) et …