Henry Lauret - La mission confiée au Fonds mondial était d'accélérer l'accès aux traitements pour le sida, la tuberculose et le paludisme. Près de dix ans après, les objectifs sont-ils remplis ? Michel Kazatchkine - Avec le recul, on peut dire que la création du Fonds a marqué un virage historique dans la prise en compte des problématiques de santé mondiale et dans la coopération internationale. Ce grand dessein a offert une voie toute tracée aux dirigeants politiques pour mobiliser et transférer l'aide aux pays en développement. D'emblée - et c'est un élément clé de cette réussite - le dialogue s'est noué entre l'ensemble des acteurs : le secteur public, le secteur privé, la société civile, les organisations multilatérales, etc. Revenons en arrière. Lorsqu'en 2001 Kofi Annan a milité pour la création d'un fonds, il appelait en fait à la constitution d'un « trésor de guerre » pour lutter contre le sida. Il s'agissait de répondre à la préoccupation d'une opinion publique internationale choquée par l'inégalité d'accès au traitement entre le Nord et le Sud. C'est à la conférence internationale sur le sida de Durban que le monde a pris conscience de la nécessité et de l'urgence, après avoir constaté que le système en place ne permettait pas de relever ces défis. Dans la deuxième moitié de 2001, lorsque toutes les délégations se sont réunies à Bruxelles pour répondre à la résolution de l'assemblée générale de l'ONU de juin et élaborer la maquette du Fonds, nous sommes arrivés à un consensus pour cibler les trois maladies tueuses. Bien que le sida ait été le déclencheur, les concepteurs du Fonds ont tout de suite envisagé d'élargir son action contre des maladies qui faisaient plus de 6 millions de victimes par an. Pour la santé et pour la réduction des inégalités entre le Nord et le Sud, 2001 fut une année charnière. Et cela, grâce justement au ciblage des trois maladies et à la mise en oeuvre de la grande alliance public/privé. Cela me permet déjà de dire que nous sommes en ligne avec les objectifs de départ. H. L. - Les résultats sont-ils, eux aussi, conformes aux espérances ? M. K. - Ils sont exceptionnels ! Songez qu'en 2001 pratiquement aucune personne dans les pays en développement n'avait accès au traitement anti-sida, exception faite du Brésil où l'on dénombrait 150 000 des 200 000 patients sous traitement. Aujourd'hui, plus de 5,2 millions de personnes sont recensées sous traitement, soit 35 à 40 % de la couverture estimée des besoins urgents. La mortalité a reculé de plus de 20 % au cours des quatre dernières années. Derrière la sécheresse des chiffres, il y a toujours les réalités humaines. Le Fonds finance aussi la prévention. Les résultats, là encore, sont très encourageants : le nombre de nouvelles infections a baissé de 25 % en Afrique. Et il recule chez les jeunes. S'agissant du paludisme, je rappelle que c'était une maladie totalement négligée en 2001, qu'il n'y avait pas d'accès aux moustiquaires imprégnées d'insecticides …
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