Les Grands de ce monde s'expriment dans

LE CREPUSCULE DE SYLVIO BERLUSCONI

Pendant seize ans, toute la vie politique italienne a tourné autour de la personne de Silvio Berlusconi. Les médias ont rapporté et commenté ses moindres faits et gestes, procurant à ce communicateur incomparable une présence dans l'espace public absolument exceptionnelle pour une démocratie libérale moderne. Capable de jouer sur tous les registres et ayant parfaitement compris le parti qu'il pouvait tirer de la télévision pour la conquête du pouvoir, le magnat a su faire rêver les Italiens d'un monde meilleur, et donner espoir aux classes moyennes en répondant à leurs aspirations et en s'identifiant à l'un des leurs qui aurait réussi. Mais, à 74 ans, le leader dynamique et entreprenant qui a séduit les électeurs à plusieurs reprises - la dernière fois en 2008, quand il est devenu pour la quatrième fois président du Conseil - ne les fait plus rêver. Même ses alliés politiques, lassés de ses vicissitudes, se détournent de lui. Le président de la Chambre des députés Gianfranco Fini s'est décidé à le destituer. Le 14 décembre 2010, Silvio Berlusconi a échappé à une motion de censure déposée par son ancien dauphin en obtenant trois voix de majorité (314 voix contre 311 et deux abstentions) à la Chambre des députés, au terme d'un débat houleux comme rarement le Parlement en a connu. Le même jour, le Sénat lui a renouvelé sa confiance par 165 voix contre 135 et onze abstentions. Le Cavaliere s'est provisoirement sauvé, mais sa marge de manoeuvre est désormais très étriquée. Nous sommes en train d'assister à la fin d'un phénomène qui a bouleversé l'Italie : le berlusconisme.Un objet politique non identifié
Le sauveur de l'Italie ?
Quand Silvio Berlusconi se lance dans l'aventure politique, en 1994, l'Italie est un pays démobilisé et inquiet. Les scandales de corruption sur lesquels enquête le parquet de Milan dans le cadre de l'opération « Mains propres » ont décapité l'élite qui avait gouverné le pays depuis la Libération. La Démocratie chrétienne (1) a volé en éclats tandis que le parti socialiste a été fortement affaibli par la mise en examen pour corruption de son leader Bettino Craxi. Un vide s'est créé dont les communistes, déjà largement présents aux leviers de commande dans les collectivités locales, cherchent à profiter.
Dans son solennel appel télévisé lancé aux Italiens, le 26 janvier 1994 (2), Silvio Berlusconi, un entrepreneur aux succès reconnus dans l'immobilier, l'édition et l'audiovisuel, invective les « forces non libérales » (c'est-à-dire de gauche) qui « ne croient pas dans le marché, l'initiative privée, le profit, l'individu » et voudraient, selon lui, s'emparer du pouvoir via une révolution judiciaire afin de « transformer le pays en une place qui vocifère et condamne ». Il annonce ce jour-là la formation d'un nouveau parti au nom entraînant comme une clameur de stade de football, Forza Italia, qui se donne pour buts de « lutter contre la haine de classe distillée par la gauche » et de faire prévaloir « la générosité, l'amour du travail, la solidarité, la tolérance et le …