Entretien avec Michel Aoun*
Liban : les liaisons dangereuses
Cet entretien a été conduitpar Sibylle Rizk**
* Michel Aoun est le chef du premier groupe chrétien au Parlement libanais.
** Correspondante du Figaro à Beyrouth. Rédactrice en chef du mensuel économique francophone Le Commerce du Levant.
Né en 1935 dans une famille chrétienne maronite de la banlieue sud de Beyrouth, Michel Aoun fait toute sa carrière dans l'armée libanaise dont il devient le commandant en chef en 1984. Il entre en politique le 23 octobre 1988 lorsque le président de la République sortant, Amine Gemayel, lui demande de diriger un gouvernement de transition jusqu'à la tenue de nouvelles élections. Cette nomination est jugée contraire au Pacte national (qui réserve le poste de chef du gouvernement à un musulman sunnite) par Sélim Hoss, premier ministre par intérim (1) depuis l'assassinat de Rachid Karamé en 1987. Celui-ci refuse de se démettre de ses fonctions, ce qui entraîne la coexistence de deux gouvernements parallèles ajoutant une confusion institutionnelle à la situation conflictuelle due à la guerre.En 1989, le général premier ministre décide de rétablir l'autorité de l'État en matant les milices - ce qui l'entraîne dans une guerre fratricide avec les Forces libanaises (la principale milice chrétienne) et le pousse à vouloir libérer le pays de l'occupation syrienne. Sa campagne ne recueille pas les appuis internationaux nécessaires, hormis celui de Bagdad, les États-Unis préférant soutenir un processus de paix qui aboutira à la signature de l'accord de Taëf le 23 septembre 1989. Michel Aoun refuse de se rallier à ce texte au motif qu'il pérennise la tutelle syrienne sur le Liban. Acculé militairement, alors qu'il avait réussi à mobiliser un soutien populaire très large, Michel Aoun est contraint de demander asile à la France le 13 octobre 1990. C'est dans ce pays qu'il résidera pendant quinze ans. Depuis le sol français, il anime le Courant patriotique libre (CPL) dont les militants restés au Liban sont constamment réprimés par le pouvoir, allié de Damas. Le Liban est alors gouverné en vertu de l'accord de Taëf de 1989 qui a mis fin à la guerre et instauré une pax syriana avec la bénédiction de l'Arabie saoudite et des pays occidentaux. L'engagement de Michel Aoun en faveur de la libération du Liban trouve finalement un écho auprès des Américains qui, au lendemain des attentats du 11 Septembre, décident de revoir leur politique moyen-orientale et de revenir sur le blanc-seing accordé à Damas concernant les affaires libanaises.
L'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005, accentue la pression sur la Syrie qui est obligée de retirer toutes ses troupes du Liban fin avril. La voie est alors ouverte pour un retour du général Aoun le 7 mai. Qualifié de « tsunami », ce retour bouleverse la scène politique libanaise. Vainqueur incontesté des élections législatives dans les régions majoritairement chrétiennes, Michel Aoun ne parvient pas à s'entendre sur la formation d'un gouvernement avec le nouveau camp souverainiste emmené par le fils de Rafic Hariri, Saad. Il …
Liban : les liaisons dangereuses
Cet entretien a été conduitpar Sibylle Rizk**
* Michel Aoun est le chef du premier groupe chrétien au Parlement libanais.
** Correspondante du Figaro à Beyrouth. Rédactrice en chef du mensuel économique francophone Le Commerce du Levant.
Né en 1935 dans une famille chrétienne maronite de la banlieue sud de Beyrouth, Michel Aoun fait toute sa carrière dans l'armée libanaise dont il devient le commandant en chef en 1984. Il entre en politique le 23 octobre 1988 lorsque le président de la République sortant, Amine Gemayel, lui demande de diriger un gouvernement de transition jusqu'à la tenue de nouvelles élections. Cette nomination est jugée contraire au Pacte national (qui réserve le poste de chef du gouvernement à un musulman sunnite) par Sélim Hoss, premier ministre par intérim (1) depuis l'assassinat de Rachid Karamé en 1987. Celui-ci refuse de se démettre de ses fonctions, ce qui entraîne la coexistence de deux gouvernements parallèles ajoutant une confusion institutionnelle à la situation conflictuelle due à la guerre.En 1989, le général premier ministre décide de rétablir l'autorité de l'État en matant les milices - ce qui l'entraîne dans une guerre fratricide avec les Forces libanaises (la principale milice chrétienne) et le pousse à vouloir libérer le pays de l'occupation syrienne. Sa campagne ne recueille pas les appuis internationaux nécessaires, hormis celui de Bagdad, les États-Unis préférant soutenir un processus de paix qui aboutira à la signature de l'accord de Taëf le 23 septembre 1989. Michel Aoun refuse de se rallier à ce texte au motif qu'il pérennise la tutelle syrienne sur le Liban. Acculé militairement, alors qu'il avait réussi à mobiliser un soutien populaire très large, Michel Aoun est contraint de demander asile à la France le 13 octobre 1990. C'est dans ce pays qu'il résidera pendant quinze ans. Depuis le sol français, il anime le Courant patriotique libre (CPL) dont les militants restés au Liban sont constamment réprimés par le pouvoir, allié de Damas. Le Liban est alors gouverné en vertu de l'accord de Taëf de 1989 qui a mis fin à la guerre et instauré une pax syriana avec la bénédiction de l'Arabie saoudite et des pays occidentaux. L'engagement de Michel Aoun en faveur de la libération du Liban trouve finalement un écho auprès des Américains qui, au lendemain des attentats du 11 Septembre, décident de revoir leur politique moyen-orientale et de revenir sur le blanc-seing accordé à Damas concernant les affaires libanaises.
L'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005, accentue la pression sur la Syrie qui est obligée de retirer toutes ses troupes du Liban fin avril. La voie est alors ouverte pour un retour du général Aoun le 7 mai. Qualifié de « tsunami », ce retour bouleverse la scène politique libanaise. Vainqueur incontesté des élections législatives dans les régions majoritairement chrétiennes, Michel Aoun ne parvient pas à s'entendre sur la formation d'un gouvernement avec le nouveau camp souverainiste emmené par le fils de Rafic Hariri, Saad. Il …
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