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L'OCCIDENT A-T-IL PERDU L'UKRAINE?

Viatcheslav Avioutskii *
l'occident a-t-il perdu l'ukraine ?
* Enseignant-chercheur à l'OCRE-EDC (Observatoire - Centre de recherches en entrepreneuriat - École des dirigeants et créateurs d'entreprises, Paris). Docteur en géopolitique et spécialiste du monde russe. Auteur, entre autres publications, de : Géopolitique du Caucase, Armand Colin, 2005 ; Les Révolutions de velours, Armand Colin, 2006.
« Plus près de la Russie, plus loin de la démocratie » : c'est par cette formule que l'expert allemand Niko Lange a résumé le nouveau positionnement de l'Ukraine dans un récent rapport rédigé pour la fondation Adenauer (1). On se souvient que, en 2004, à l'issue de la « révolution orange », une équipe résolument pro-américaine - conduite par le président Viktor Iouchtchenko et le premier ministre Ioulia Timochenko - s'était installée à Kiev, succédant au régime pro-russe de Léonid Koutchma. Six ans plus tard, malgré d'indéniables avancées - spécialement en matière de liberté d'expression et de liberté d'entreprise -, la coalition « orange » a fini par se disloquer. Le 7 février 2010, Viktor Ianoukovitch, chef du Parti des régions (pro-Moscou), a été élu président en battant au second tour Ioulia Timochenko, la flamboyante pasionaria « orange ».Pourquoi le bloc orange a-t-il échoué ? Viktor Ianoukovitch - que certains accusent déjà d'avoir lancé la « poutinisation » de son pays, en référence à son goût pour les méthodes musclées chères au Kremlin et à sa proximité avec Moscou - va-t-il réellement faire revenir l'Ukraine dans le giron du « grand frère » russe ? Ce dernier, qui a profité de la crise financière mondiale de 2008 pour augmenter son influence sur l'économie ukrainienne, est-il le vrai vainqueur de l'élection de 2010 ? L'Occident a-t-il « perdu » l'Ukraine ?
L'échec de Ioulia Timochenko
L'échec que Mme Timochenko a subi au cours de la dernière élection présidentielle n'est pas seulement un événement conjoncturel. Il apparaît plutôt comme l'aboutissement logique de plusieurs années d'affrontements internes au sein du mouvement orange. Ces querelles intestines ont bénéficié à Viktor Ianoukovitch - qui, lui, est le leader unique et incontesté de son camp.
L'effondrement des partis « orange »
Les sondages réalisés en juin 2010 confirment le résultat de la présidentielle : ils révèlent un effondrement dramatique des partis « orange » face à la formation de Viktor Ianoukovitch (2). En octobre 2010, les élections municipales renforcent encore l'emprise du Parti des régions, qui contrôlait déjà le gouvernement, le Parlement et les administrations régionales (3). Cette nouvelle configuration politique conforte les conseillers du président Ianoukovitch dans leur volonté d'installer un régime présidentiel fort et une verticale du pouvoir « à la russe ». Il est vrai qu'il faudra, pour cela, procéder à une modification constitutionnelle ; mais la domination actuelle du Parti des régions lui en donne la possibilité.
La vérité, c'est que la coalition orange était trop disparate pour tenir sur la durée. Rappelons sa genèse. À la veille de l'élection présidentielle de 2004, plusieurs formations politiques se sont rassemblées pour mettre fin à dix ans de …