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Figure emblématique de l'opposition cubaine, Ricardo González Alfonso avait été arrêté en mars 2003, lors du « Printemps noir », avec vingt-sept de ses confrères journalistes indépendants. Le 12 juillet 2010, il est parmi les premiers prisonniers politiques relâchés dans le cadre d'une vague de libérations accordées par le régime castriste. Cette mesure de clémence a été obtenue, en partie, grâce aux bons offices du gouvernement espagnol en la personne du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Miguel Ángel Moratinos.Âgé de 60 ans, marié et père de deux enfants, Ricardo González Alfonso avait été condamné en avril 2003 à vingt ans de prison pour « actes contre l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'État ». Il était alors président de la société Manuel Márquez Sterling, une association de journalistes interdite, et dirigeait Revista de Cuba, la première revue indépendante publiée sur l'île depuis l'instauration du régime castriste.
A. G. Axel Gyldén - Comment passe-t-on du statut de scénariste à la télévision officielle cubaine à celui d'opposant au régime castriste ?
Ricardo González Alfonso - Dans les années 1980 et au début des années 1990, je travaillais, en effet, à l'Institut cubain de radio et de télévision (ICRT) où j'étais scénariste pour les programmes éducatifs destinés à l'enfance. À ce poste, je pouvais transmettre des valeurs universelles comme l'amour, la solidarité, l'amitié. En 1994-1995, pendant la « période spéciale » (1), mes chefs m'ont chargé de concevoir une série d'émissions pour les élèves du primaire, qui devaient avoir pour cadre le temps présent. J'ai imaginé un scénario qui reflétait la réalité quotidienne cubaine telle qu'elle était vécue par les enfants de l'époque. Après avoir lu mon projet, la direction de la chaîne m'a demandé d'en modifier la quasi-totalité afin de l'aligner sur le discours officiel. J'ai refusé. Dans la foulée, j'ai démissionné car il n'était pas question pour moi de me soumettre aux exigences du gouvernement.
J'ai alors commencé à travailler à La Havane, dans les rues de mon quartier, avec le statut de cuentapropista (2). Je me suis improvisé vendeur de churros (3) puis marchand de cacahuètes. À la même époque, je suis entré en contact avec le poète et journaliste Raul Rivero, qui venait de fonder la petite agence de presse indépendante Cubapress (anciennement Havana Press), dont je suis devenu sous-directeur en 1997. Mais, quelque temps plus tard, je me suis aperçu que la Sécurité de l'État (police secrète) avait infiltré l'agence. Je l'ai alors quittée pour fonder, en 2001, la société Manuel Márquez Sterling, dont la finalité était la formation professionnelle de journalistes indépendants. Parallèlement, j'ai créé le magazine Revista de Cuba, une revue de débats affiliée au réseau international de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), qui a fait de moi son correspondant à Cuba.
A. G. - Comment une telle publication, consacrée aux questions politiques et de société, pouvait-elle circuler à Cuba ?
R. G. A. - En fait, nous en imprimions 200 ou 300 exemplaires, qui étaient distribués gratuitement dans les « bibliothèques indépendantes » ainsi qu'à certains dirigeants de l'opposition. Ces derniers la faisaient circuler auprès de leurs militants. Autrement dit, chaque exemplaire était lu par des dizaines de personnes. En outre, des copies du magazine étaient stockées sous forme de CD, que nous expédiions à nos représentants en Espagne et aux États-Unis ainsi qu'à Reporters sans frontières. Ces correspondants en produisaient eux-mêmes des copies qui étaient diffusées parmi les différentes communautés de l'exil cubain - lesquelles, à leur tour, les réintroduisaient clandestinement à Cuba.
A. G. - À cette époque, vous dirigiez également l'une de ces « bibliothèques indépendantes », qui avait son siège à votre domicile. De quoi s'agit-il au juste ? De bibliothèques clandestines ?
R. G. A. - Ce n'étaient pas exactement des bibliothèques « clandestines » dans la mesure où elles étaient publiques. Cependant, elles étaient bel et bien interdites. Toute résistance civique repose sur un principe simple : …
Figure emblématique de l'opposition cubaine, Ricardo González Alfonso avait été arrêté en mars 2003, lors du « Printemps noir », avec vingt-sept de ses confrères journalistes indépendants. Le 12 juillet 2010, il est parmi les premiers prisonniers politiques relâchés dans le cadre d'une vague de libérations accordées par le régime castriste. Cette mesure de clémence a été obtenue, en partie, grâce aux bons offices du gouvernement espagnol en la personne du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Miguel Ángel Moratinos.Âgé de 60 ans, marié et père de deux enfants, Ricardo González Alfonso avait été condamné en avril 2003 à vingt ans de prison pour « actes contre l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'État ». Il était alors président de la société Manuel Márquez Sterling, une association de journalistes interdite, et dirigeait Revista de Cuba, la première revue indépendante publiée sur l'île depuis l'instauration du régime castriste.
A. G. Axel Gyldén - Comment passe-t-on du statut de scénariste à la télévision officielle cubaine à celui d'opposant au régime castriste ?
Ricardo González Alfonso - Dans les années 1980 et au début des années 1990, je travaillais, en effet, à l'Institut cubain de radio et de télévision (ICRT) où j'étais scénariste pour les programmes éducatifs destinés à l'enfance. À ce poste, je pouvais transmettre des valeurs universelles comme l'amour, la solidarité, l'amitié. En 1994-1995, pendant la « période spéciale » (1), mes chefs m'ont chargé de concevoir une série d'émissions pour les élèves du primaire, qui devaient avoir pour cadre le temps présent. J'ai imaginé un scénario qui reflétait la réalité quotidienne cubaine telle qu'elle était vécue par les enfants de l'époque. Après avoir lu mon projet, la direction de la chaîne m'a demandé d'en modifier la quasi-totalité afin de l'aligner sur le discours officiel. J'ai refusé. Dans la foulée, j'ai démissionné car il n'était pas question pour moi de me soumettre aux exigences du gouvernement.
J'ai alors commencé à travailler à La Havane, dans les rues de mon quartier, avec le statut de cuentapropista (2). Je me suis improvisé vendeur de churros (3) puis marchand de cacahuètes. À la même époque, je suis entré en contact avec le poète et journaliste Raul Rivero, qui venait de fonder la petite agence de presse indépendante Cubapress (anciennement Havana Press), dont je suis devenu sous-directeur en 1997. Mais, quelque temps plus tard, je me suis aperçu que la Sécurité de l'État (police secrète) avait infiltré l'agence. Je l'ai alors quittée pour fonder, en 2001, la société Manuel Márquez Sterling, dont la finalité était la formation professionnelle de journalistes indépendants. Parallèlement, j'ai créé le magazine Revista de Cuba, une revue de débats affiliée au réseau international de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), qui a fait de moi son correspondant à Cuba.
A. G. - Comment une telle publication, consacrée aux questions politiques et de société, pouvait-elle circuler à Cuba ?
R. G. A. - En fait, nous en imprimions 200 ou 300 exemplaires, qui étaient distribués gratuitement dans les « bibliothèques indépendantes » ainsi qu'à certains dirigeants de l'opposition. Ces derniers la faisaient circuler auprès de leurs militants. Autrement dit, chaque exemplaire était lu par des dizaines de personnes. En outre, des copies du magazine étaient stockées sous forme de CD, que nous expédiions à nos représentants en Espagne et aux États-Unis ainsi qu'à Reporters sans frontières. Ces correspondants en produisaient eux-mêmes des copies qui étaient diffusées parmi les différentes communautés de l'exil cubain - lesquelles, à leur tour, les réintroduisaient clandestinement à Cuba.
A. G. - À cette époque, vous dirigiez également l'une de ces « bibliothèques indépendantes », qui avait son siège à votre domicile. De quoi s'agit-il au juste ? De bibliothèques clandestines ?
R. G. A. - Ce n'étaient pas exactement des bibliothèques « clandestines » dans la mesure où elles étaient publiques. Cependant, elles étaient bel et bien interdites. Toute résistance civique repose sur un principe simple : …
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