Entretien avec
Marton Gyongyosi
par
Luc Rosenzweig
n° 131 - Printemps 2011
Entretien avec Marton Gyöngyösi* hongrie : un passéqui ne passe pas... Cet entretien a été conduitpar Luc Rosenzweig** * Porte-parole du Jobbik, vice-président de la commission des affaires étrangères du Parlement de Hongrie. ** Journaliste. Ancien correspondant du Monde en Allemagne et en Belgique. Auteur, entre autres publications, de : Ariel Sharon, Perrin, 2006 ; Parfaits Espions, Éditions du Rocher, 2007. Marton Gyöngyösi, né en 1977, a été élu en avril 2010 député au Parlement hongrois sur la liste du Jobbik Magyarországért Mozgalom (Parti pour une meilleure Hongrie), qui peut également se traduire par « le parti le plus à droite ». Il représente cette formation d'extrême droite à la commission des affaires étrangères de la Chambre, dont il est le vice-président. Rejeton d'une famille de diplomates en fonctions au ministère du Commerce extérieur au temps du communisme, il est l'un des rares dirigeants de ce parti à avoir reçu une éducation internationale secondaire et universitaire. Il est diplômé d'économie et de sciences politiques des universités de Dublin et de Nuremberg. Avant de se consacrer entièrement à la politique, il a travaillé comme consultant dans les filiales hongroises des firmes d'audit KPMG et Ernst & Young. C'est le seul dirigeant du parti qui accorde des entretiens aux médias étrangers, les autres - notamment son président Gabor Vona - estimant que les journalistes déforment systématiquement leurs propos afin de donner une mauvaise image du Jobbik à l'extérieur du pays. Ce parti se constitue en 2003 et ne bénéficie au début que d'une audience confidentielle. Absent du scrutin européen de 2004 en raison de son opposition de principe à l'adhésion de la Hongrie à l'UE, il n'obtient que 2,2 % des suffrages aux élections législatives de 2008. La première percée significative se produit en janvier 2008, lors d'une élection municipale partielle à Budapest, où son candidat attire sur son nom 8,5 % des votants. Ce succès se confirme lors des élections européennes de juin 2009, où le Jobbik, avec 14,77 % des voix, rafle 3 des 22 sièges de la Hongrie au Parlement de Strasbourg. Aux législatives d'avril 2010, il progresse encore, avec 16,67 % des suffrages et 47 des 386 sièges de l'Assemblée nationale. Mais cet excellent score ne suffit pas à lui ouvrir les portes du gouvernement, car, de son côté, la coalition de droite emmenée par le Fidesz de Viktor Orban l'emporte avec une majorité de plus des deux tiers qui lui permet de gouverner seul. Le Jobbik, cependant, fait fonction d'aiguillon et pousse les partis de gouvernement vers un nationalisme toujours plus ombrageux. À la différence d'autres formations européennes de la droite extrême, comme le FN français ou le Parti de la liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas, le Jobbik ne fait pas de l'immigration une thématique centrale de sa propagande. En revanche, ses dérapages antisémites, mal camouflés sous des positions antisionistes radicales, le placent dans la filiation des mouvements fascistes hongrois actifs avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, comme le mouvement des Croix fléchées. Son hostilité envers les quelque 600 000 Tziganes vivant en Hongrie est également un trait marquant de ce parti. L. R. Luc Rosenzweig - Quand et pour quelles raisons avez-vous rejoint le parti Jobbik ? Par tradition familiale ou par choix personnel ? Marton Gyöngyösi - Je n'ai adhéré formellement au Jobbik qu'au début de l'année 2010 par choix personnel, mais j'entretiens d'étroites relations avec ce parti depuis 2006, en particulier avec son président, Gabor Vona. C'est lui qui m'a demandé d'en devenir le conseiller stratégique et économique. L. R. - Où situeriez-vous le Jobbik sur l'échiquier politique hongrois ? M. G. - Il s'agit d'un parti nationaliste radical. Nationaliste, car il place l'intérêt de la nation au-dessus et avant toute autre chose. Pendant cinq décennies, l'élite politique a vendu nos intérêts nationaux à Moscou. Depuis vingt ans, ces mêmes élites les ont abandonnés à Bruxelles et à Washington. C'est pourquoi nous luttons pour que notre pays reprenne en main son destin et décide en toute indépendance de son avenir. Quant à notre radicalisme, il réside dans notre volonté de changer totalement la façon dont la Hongrie est gouvernée depuis soixante-dix ans. Elle a été si mal gérée qu'elle se retrouve aujourd'hui en état de faillite complète. Certes, la crise financière mondiale a contribué à cette banqueroute, mais la genèse de ces problèmes se trouve chez nous, dans la manière lamentable dont les dirigeants hongrois ont conduit la politique du pays. Il ne faut pas s'étonner que ces dirigeants ne proposent que des changements superficiels, pour que tout continue comme avant. Le Jobbik, lui, est favorable à des réformes en profondeur. Pour cela, il faut lever les tabous sur certains sujets et en parler ouvertement. Nous dénonçons, entre autres, la corruption des élites, le laxisme devant la montée de la criminalité, ainsi que le bradage du patrimoine de notre nation à des intérêts étrangers. L. R. - Comment expliquez-vous la percée de votre parti lors des dernières élections européennes et législatives ? M. G. - Tout simplement par le fait que nous avons évoqué sans complexes des thèmes qui concernent la majorité de la population. Après cinquante ans de communisme, les gens ont encore peur de s'exprimer dans des domaines qui ne coïncident pas avec ce qui est considéré comme « politiquement correct ». Ils n'osent pas évoquer des idées qui se situent en dehors de l'idéologie dominante. Une grande partie du peuple en a plus qu'assez de ces prétendues élites qui nous gouvernent. Nous ne craignons pas d'aller à la rencontre des gens, de leur parler de leurs problèmes dans un langage qu'ils comprennent. Nous avons présenté notre programme directement aux électeurs, sans passer par les médias. C'est là la principale raison de notre succès. L. R. - Certains de vos détracteurs, en Hongrie et à l'étranger, accusent le Jobbik d'être un mouvement néo-fasciste, héritier des Croix fléchées, qui collaborèrent avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Que leur répondez-vous ? M. G. - Nos adversaires trouvent plus facile de …
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