« Ces fous ne comprenaient pas qu'ils ne faisaient que récupérer une portion de ce qui leur appartenait, et que leur souverain n'aurait pas pu leur offrir quoi que ce soit s'il ne le leur avait pas pris au préalable. » Étienne de La Boétie (1) Si l'Égypte célèbre l'arrivée du printemps par un festival de la floraison - le sham al-nasim -, dans la péninsule arabique cette saison s'annonce généralement par d'étouffantes tempêtes de sable, les riyah al-khamasin, qui soufflent sur les hommes et sur les paysages quelque cinquante jours durant. Ces climats ne sont pas favorables au jasmin tunisien ou à la floraison égyptienne. Dans le désert d'Arabie, contrée des interventions divines, du glaive et de l'or noir, les révolutions sont bien souvent balayées par les tempêtes de sable. Depuis janvier 2011, le régime saoudien s'est efforcé de couper court à toute réplique locale des printemps arabes de Tunisie et d'Égypte. Ce phénomène a cependant fini par atteindre la petite île voisine de Bahreïn et, même, les zones pétrolifères du royaume saoudien. Le régime a alors eu recours à sa stratégie classique : mise en avant du caractère sacré de l'obéissance de la population aux dirigeants ; exacerbation des divisions sectaires ; politiques répressives ; et distribution de prébendes. Ces efforts cumulés ont suffi, pour le moment, à contenir l'euphorie qu'avait engendrée le printemps arabe. Il n'en reste pas moins que l'avenir apparaît très incertain : le pays demeure sujet à divers types de turbulences internes. Le présent article offre un panorama de la politique saoudienne pendant le « printemps arabe » et explore les trois stratégies classiques - religieuse, sécuritaire et économique - employées par le régime afin de contenir la contestation intérieure. Mais ces multiples méthodes permettront-elles au pouvoir de Riyad de résister au vent du changement ? L'évolution de l'équilibre politique dans la région et au-delà pourrait bien, à l'avenir, mettre le régime en grande difficulté... Le « Jour de colère » de l'Arabie saoudite Quelques jours après la démission du président égyptien Hosni Moubarak, intervenue le 12 février 2011, des activistes saoudiens ont annoncé sur Facebook la tenue d'un « Jour de colère », désigné par la formule thawrat hunayn qui évoque une bataille symbolique entre la foi et l'apostasie à l'époque du prophète Mahomet. La nouvelle génération de web-citoyens a décidé que la mobilisation se produirait le 11 mars. Tous savaient que les manifestations sont interdites dans le pays. Par le passé, les activistes qui avaient annoncé leur intention de prendre part à des manifestations avaient été rapidement arrêtés (2). Mais tandis que ces appels à manifester étaient relayés dans le monde virtuel (3), des événements très concrets allaient se produire dans le monde réel. Le 14 février, de l'autre côté du fameux pont reliant la petite île de Bahreïn à l'Arabie saoudite, des milliers de Bahreïnis ont défilé jusqu'au centre de Manama et pris le contrôle du rond-point de la Perle, à défaut de place comparable à la place Tahrir du Caire. …
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