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BELGIQUE : LA CRISE FINALE ?

Privée de gouvernement fédéral depuis avril 2010, la Belgique est en proie à des déchirements communautaires apparemment insurmontables. Il n'est pas impossible qu'un compromis finisse par être trouvé, qui permette la formation d'un gouvernement dirigé par Elio Di Rupo, président du parti socialiste francophone. Mais, quelle que soit l'issue de cette crise, les forces centrifuges, alimentées par l'intransigeance des séparatistes flamands et de leur chef charismatique Bart De Wever, continueront à miner les soubassements de ce royaume fondé en 1831. Une crise sans précédent Le cas est unique dans l'histoire des démocraties occidentales : depuis les élections du 13 juin 2010, convoquées après le départ, en avril, des ministres libéraux flamands (Open-VLD), la Belgique est dirigée par un « gouvernement d'affaires courantes ». Les vainqueurs de ces élections, au premier rang desquels on trouve le Parti socialiste francophone et la Nouvelle Alliance flamande (N-VA) autonomiste de Bart De Wever, n'ont pas réussi, malgré des mois de palabres intensifs, à parvenir à un accord. Ce qui n'a pas empêché le gouvernement démissionnaire, conduit par le chrétien-démocrate (CD&V) flamand Yves Leterme, d'assurer avec succès la présidence belge de l'Union européenne au second semestre 2010, de prendre les mesures économiques qu'exigeait la crise financière mondiale (1) et même de participer aux opérations armées en Libye, par le biais de l'Otan. Cette relative innocuité du vide gouvernemental au niveau fédéral s'explique par la structure fortement décentralisée de l'État belge : les régions et les communautés (2) se sont vu déléguer de plus en plus de compétences tout au long du processus de fédéralisation initié en 1963, et jamais interrompu depuis lors. Seuls les ministères régaliens - justice, défense nationale, affaires étrangères - ont conservé leurs prérogatives, même si une insidieuse régionalisation de l'action extérieure belge a amoindri le champ d'action de la diplomatie du royaume (3). La santé, la police et la sécurité sociale dépendent pour partie de l'échelon fédéral et pour partie des régions. Les grandes infrastructures de transport (chemins de fer, autoroutes) relèvent encore d'une gestion fédérale, alors que l'adoption de l'euro, le 1er janvier 2002, a privé la Belgique du ciment unitaire que constituait le franc belge. Néanmoins, tous les observateurs attentifs de la vie politique belge, à l'intérieur comme à l'extérieur, s'accordent pour estimer que cette situation baroque ne saurait durer, et qu'une porte de sortie au blocage actuel devra être trouvée. Nul n'est en mesure de prévoir sur quel avenir cette porte s'ouvrira : réforme de l'État aboutissant à un compromis institutionnel entre les Flamands et les Francophones (4) ; ou rupture des pourparlers et processus de séparation. La fin de la Belgique dans son état actuel, même si ce n'est pas le scénario le plus probable, n'est plus une vue de l'esprit. C'est même une hypothèse considérée avec sérieux - et avec un réel effroi - dans les chancelleries européennes : la scission d'un des pays fondateurs de l'UE, dont la capitale est également celle de l'Europe des 27, constituerait un événement considérable et contribuerait à la déstabilisation …