En moins de six mois, la Côte d'Ivoire aura connu pas moins de trois cérémonies d'investiture présidentielle : deux ont eu lieu en décembre 2010, la troisième et ultime s'est tenue il y a quelques semaines à peine. Le 21 mai 2011, l'ancien premier ministre de Félix Houphouët-Boigny, Alassane Dramane Ouattara, dit « ADO », a été intronisé en grande pompe, à Yamoussoukro (centre de la Côte d'Ivoire), en présence de nombreux chefs d'État africains, mais aussi de Nicolas Sarkozy et du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Six mois auparavant, il avait déjà prêté serment sur la Constitution, juste après que Laurent Gbagbo eut été lui-même investi, au palais présidentiel d'Abidjan, devant les corps constitués, malgré sa défaite dans les urnes lors du scrutin présidentiel organisé fin novembre. Ce cumul de cérémonies d'investiture pourrait prêter à sourire s'il ne traduisait pas la plus grave crise qu'ait eu à affronter le pays d'Afrique de l'Ouest au cours de sa jeune histoire. Censée sortir la Côte d'Ivoire de l'ornière, l'élection présidentielle de l'automne dernier l'a, au contraire, plongée dans un chaos sans précédent. Elle a d'abord viré à la confrontation entre deux hommes : le président sortant, Laurent Gbagbo, et son rival, Alassane Ouattara, vainqueur du scrutin. Puis, face au refus persistant du premier de reconnaître sa défaite, le pays a fini par verser dans une violence débridée qui a culminé en avril avec la bataille d'Abidjan. Celle-ci a tourné en faveur d'ADO grâce au soutien militaire déterminant de la France (l'ex-puissance coloniale) et des Nations unies. Cette crise laissera des traces d'autant plus profondes qu'elle est venue s'ajouter à une série de soubresauts de plus en plus violents au fil des ans. Durant des décennies, l'ancienne colonie française, indépendante depuis 1960, a été synonyme de stabilité et même de « miracle économique » sur le continent (1). Mais le conte de fées a viré au cauchemar. Du premier coup d'État en Côte d'Ivoire en décembre 1999, qui a vu l'arrivée au pouvoir du général Robert Gueï, à la chute brutale de Laurent Gbagbo, le « pays des Éléphants » n'a guère connu de répit. Les Ivoiriens résumaient cette instabilité permanente et le cortège de souffrances qu'elle a occasionné pour la population par une expression devenue récurrente : « On est fatigués. » L'écrasante majorité d'entre eux aspirent aujourd'hui à la paix et à une sérénité retrouvée. Hormis quelques nostalgiques de l'ancien régime qui profitaient de ses prébendes, ils ont entériné la défaite de l'ancien homme fort et comptent ardemment sur son successeur pour redresser le pays. Les défis qui attendent Alassane Ouattara sont énormes, à la mesure du retard qu'a pris la Côte d'Ivoire. Saura-t-il les relever ? Les conditions de son accession au pouvoir - le recours aux armes - ne lui facilitent pas la tâche. Mais ce technocrate a des atouts importants en main, en particulier ses capacités reconnues de bon gestionnaire et l'aide que ne manquera pas de lui fournir la communauté internationale. Son intronisation s'est …
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