Les Grands de ce monde s'expriment dans

DEFENSE : UNE PASSION FRANCAISE

Isabelle Lasserre - Quelle fut votre première pensée en franchissant le seuil de l'hôtel de Brienne où évoluèrent, entre autres, Clemenceau et de Gaulle ?
Gérard Longuet - Le sentiment de rencontrer l'État ; de découvrir presque charnellement cette autorité historique qui a rassemblé la France et qui l'a protégée. Un sentiment, donc, d'extrême gravité, en pensant aux rendez-vous de l'Histoire qui se sont noués et dénoués ici.
I. L. - Cette impression est-elle plus forte, sous ces lambris, que dans les autres ministères où vous avez oeuvré ?
G. L. - Cela n'a rien à voir. J'ai eu la chance de détenir des portefeuilles techniques passionnants : le Commerce extérieur, l'Industrie, la Poste et les Télécoms ; mais, dans ces maisons, le ministre n'est pas l'acteur, il accompagne et conseille. Dans un ministère régalien comme celui de la Défense, en revanche, le ministre est aux commandes. Il doit assumer les responsabilités de l'État, mettre en oeuvre la politique du Président.
I. L. - Quelle est, dans l'Histoire, le fait militaire que vous admirez le plus ? Y a-t-il une bataille à laquelle vous auriez aimé participer ?
G. L. - La bataille de la Marne, qui a réuni le sang-froid d'un chef, Joffre, le courage des troupes, et fait la démonstration que l'on peut rétablir un équilibre dès lors qu'on laisse la place à l'intelligence et à l'analyse. Cette bataille fut une manoeuvre militaire exceptionnelle, quasiment miraculeuse.
I. L. - Pensez-vous, comme Clemenceau, que « la guerre est une chose trop grave pour qu'on la confie aux militaires » ?
G. L. - C'est une formule que l'on prête à Clemenceau ; il est possible qu'il l'ait prononcée. Si Clemenceau voulait dire par là que la guerre n'est que le prolongement de la politique par d'autres moyens, il avait raison. C'est toujours de la politique que dépend la guerre.
I. L. - Quels sont les principales menaces qui pèsent sur le monde d'aujourd'hui : le cyber-terrorisme, les affrontements ethniques... ?
G. L. - Le plus grand des périls, pour un pays, c'est de perdre le sens de ses responsabilités. Après, tout peut se régler. Dans un système éclaté et multipolaire comme le nôtre, je crois sincèrement que nous sommes en mesure de mettre en place un état de droit international. Le pire des dangers serait que les grandes nations renoncent à exercer leur devoir qui est, précisément, de contribuer à construire cet état de droit.
I. L. - Quels sont les conflits actuels qui vous inspirent le plus de crainte, notamment en raison du risque d'escalade qu'ils comportent ?
G. L. - Ce qui m'inquiète, c'est plutôt la désagrégation des sociétés - développées ou non. Paradoxalement, le problème des narco-dollars me paraît plus dangereux que les guerres idéologiques ou même que l'extrémisme islamiste. Un bémol sur ce point : la course de l'Iran à l'arme nucléaire et à son vecteur.
. L. - Comment définiriez-vous les principaux intérêts stratégiques de la France ? Ont-ils évolué par rapport au Livre …