Alors qu'un vent d'espoir se lève dans les pays arabes, l'Amérique, de son côté, serait-elle franchement déprimée ? C'est ce qui ressort d'un certain nombre de sondages qui comparent les effets de la crise de 2008 à ceux de la Grande Dépression : si les difficultés socio-économiques ne sont pas comparables à celles des années 1930, le moral des Américains, lui, est au plus bas. La foi en l'avenir, si caractéristique de la culture politique des États-Unis, semble avoir cédé le pas, à gauche comme à droite, à la colère et à la frustration. Le chômage, les déficits budgétaires, l'immigration, la désindustrialisation ou encore la perte du leadership mondial menaceraient, au-delà des conditions de vie des Américains, l'âme même de leur pays. Quels sont les ressorts de ces discours maussades et par qui sont-ils portés ? Faut-il y voir le signe de mutations économiques et sociales profondes et irréversibles ? Assistons-nous à la résurgence d'une sensibilité sombre, parfois même apocalyptique, qui se manifeste de manière cyclique dans l'histoire des États-Unis ? Les moteurs classiques du rêve américain seraient-ils réellement en panne ? Ou bien, au contraire, ces discours déclinistes constitueraient-ils autant d'invitations à rebondir, comme le pays l'a fait si souvent par le passé ? De la crise à la contestation Aux États-Unis, toute l'année 2010 a donné l'image d'un pays en proie à l'anxiété. Née en premier lieu des conséquences de la crise financière de l'automne 2008 - conséquences profondes et visibles en termes d'emplois perdus et de maisons confisquées (1) -, cette anxiété s'est également nourrie de plusieurs autres inquiétudes : la situation militaire préoccupante en Afghanistan et en Irak ; la hausse des déficits budgétaires ; la montée en puissance de la Chine au détriment de la puissance américaine... L'anxiété s'est également exprimée dans les ultimes épisodes du débat prolongé et délétère sur la réforme de l'assurance-maladie : l'évaluation des vices ou des vertus de la réforme elle-même s'est largement effacée derrière la charge partisane et les attaques ad hominem visant une administration soupçonnée de conduire des politiques « socialistes » tout juste bonnes pour les pays décadents de la vieille Europe. À peine ce dernier débat était-il - momentanément - refermé, suite au passage en force des élus démocrates au Congrès (2), que la plate-forme Deepwater Horizon déversait des tonnes de pétrole dans le golfe du Mexique (3). Au cours des semaines suivantes, l'opinion a constaté l'impuissance du gouvernement face au désastre écologique... Rien d'étonnant, dès lors, à ce que l'on ait vu fleurir dans la presse des articles aux titres alarmistes - de l'« année des troubles » mentionnée par Newsweek (4) aux réflexions de Niall Ferguson sur la chute programmée de l'empire américain dans Foreign Affairs (5), sans oublier l'« effondrement » annoncé pour 2025 dans le magazine online Salon (6) et illustré par une carte des États-Unis en flammes - sans qu'on sache s'il s'agissait là du pétrole de BP ou du feu de la damnation éternelle des prédicateurs pentecôtistes. Au moment des …
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