Les Grands de ce monde s'expriment dans

ISRAEL FACE AU PRINTEMPS ARABE

Amos Yadlin a pris part aux principaux événements de l'histoire de l'État d'Israël. Son visage rond, orné de lunettes et encadré par une chevelure grisonnante, masque une connaissance encyclopédique de l'histoire du peuple juif et un enthousiasme communicatif pour son avenir. Né en 1951 dans le kibboutz de Hatzerim, un de ces célèbres villages fermiers socialistes, il est le fils d'Aharon Yadlin, député à la Knesset pendant plus de trente ans et ministre de l'Éducation, mais surtout secrétaire général du Parti travailliste alors que cette formation dominait la vie politique israélienne. Amos Yadlin a opté pour une carrière dans l'aviation israélienne (un corps d'élite), jusqu'à en devenir le chef d'état-major adjoint - ce qui lui a valu de porter le fardeau mais aussi l'honneur de piloter un des F-16 qui ont détruit le réacteur nucléaire Osirak construit par la France pour Saddam Hussein. Il est titulaire d'un diplôme d'économie et de gestion de l'Université Ben Gourion et d'un master en administration publique de Harvard. Promu au grade de « major général », Amos Yadlin a été l'attaché militaire principal de l'ambassade d'Israël à Washington et, à partir de 2006, le directeur de l'Aman (« Agaf ha-Modi'in »), la branche de renseignement de l'armée israélienne. Il y a dirigé une équipe de plusieurs milliers d'agents, plus nombreuse que le célèbre Mossad, et qui porte la responsabilité de détecter, d'évaluer et de contrer les dangers qui menacent l'État juif au Moyen-Orient et au-delà. Pour des raisons de sécurité personnelle, il reste discret sur sa vie privée. On peut cependant révéler que ce grand défenseur d'Israël aime la belle littérature, l'histoire, le ski, le cyclisme et le temps passé avec sa famille. Après cinq années de commandement de l'Aman jusqu'à la fin 2010, Amos Yadlin va prendre sa retraite de l'armée en septembre 2011. Cette interview est la première qu'il accorde sur des sujets de fond. Il y revient sur les quarante années qu'il a consacrées au service souvent secret de son pays, alors que la région connaissait de nombreux bouleversements. D. R. Dan Raviv - Monsieur Yadlin, quels sont les succès militaires israéliens dont vous êtes le plus fier ?
Amos Yadlin - Pourquoi se limiter aux succès militaires ? Israël est un miracle tout à la fois culturel, social, économique et moral ! On ne peut résumer notre nation en évoquant ses seules victoires militaires. Des Juifs du monde entier sont venus se rassembler dans ce pays, en provenance d'Asie, d'Europe, d'Australie ou d'Afrique. Ce peuple chassé de sa patrie il y a 2 000 ans, dispersé aux quatre vents, victime de persécutions et de pogroms, massacré par le régime nazi, a réussi à créer un État moderne, indépendant et viable. Notre nation a ressuscité une langue ancienne, celle de la Bible, l'hébreu, qui est aujourd'hui parlée comme le sont le français et l'anglais. La jeune société israélienne est hétérogène et dynamique, même si elle n'est pas exempte de tensions et de conflits. Une grande majorité d'Israéliens sont arrivés de pays sans culture démocratique, comme la Russie ou les pays arabes, mais ils ont bâti une société et des institutions démocratiques qui ont survécu à de nombreuses crises et à de fréquents changements de gouvernement. Sur un plan plus personnel, je suis fier des réalisations du village de mon enfance. Je suis né et j'ai grandi dans le kibboutz de Hatzerim, dans le désert du Néguev - un kibboutz de pionniers et d'idéalistes qui ont quitté de confortables situations en ville pour établir une société rurale, juste, fondée sur les valeurs d'égalité, de coopération et de travail. Lorsqu'ils ont compris qu'il serait difficile de pérenniser des activités agricoles sur ce sol aride et salé, ces camarades ont décidé de faire évoluer le fonctionnement du kibboutz. Hatzerim a donné naissance à une multinationale, Netafim, pionnière dans le développement et l'utilisation de la micro-irrigation. Ce système permet d'irriguer des récoltes entières avec de petites quantités d'eau tout en prévenant les maladies qui peuvent toucher les plantations. Cette société exporte vers des dizaines de pays et génère des revenus de plusieurs centaines de millions de dollars chaque année pour le kibboutz. Pour en venir aux faits purement militaires, je suis très fier de l'armée de l'air israélienne, une des meilleures du monde. C'est un « cocktail » fantastique qui rassemble un personnel motivé, des technologies de pointe et des stratégies de premier ordre qui sont à la source des victoires de 1967 et de 1982, mais qui ont permis, aussi, que soient tirés les enseignements des échecs comme celui de 1973. J'ajoute que les frappes israéliennes sur les installations nucléaires de Saddam Hussein ont ouvert les yeux à toute la région sur ce programme clandestin et ouvert la voie à l'intervention américaine contre l'Irak au Koweït en 1991. Cet alliage de renseignements précis et de la capacité opérationnelle de l'armée de l'air est la clé de la sécurité de l'État d'Israël et de sa politique de dissuasion.
D. R. - Quelles sont les réalisations qui, à votre avis, ont le plus contribué à la …