Existe-t-il une « exception algérienne » ? La propagation des « révoltes arabes » conduit à se poser cette question avec d'autant plus d'acuité que, depuis la chute du président tunisien Zine Ben Ali le 14 janvier, l'Algérie ne connaît pas de rassemblements de rue de grande ampleur. Cette absence de remise en cause spectaculaire du régime est paradoxale à plus d'un titre. Le mécontentement populaire profond et généralisé existant dans le pays est depuis toujours exacerbé par la contestation « historique » de la légitimité du pouvoir militaire qui préside aux destinées de l'Algérie depuis son indépendance en 1962. Mais, surtout, le régime algérien ne se différencie en rien de ses pairs les plus autoritaires et les plus dictatoriaux de la région. Sauf à considérer qu'une triple singularité lui vaudrait certificat de démocratie : son habileté à s'être doté d'une apparence (une façade démocratique) aux antipodes de la réalité (une police politique militaire toute-puissante, le DRS (1) coeur névralgique du système) ; sa détestation des coups d'État à la Pinochet auxquels il préfère les révolutions de palais ; et son « savoir-faire » en matière de répression afin de « casser » toute velléité de soulèvement à caractère politique. La modestie de la mobilisation actuelle peut, dès lors, paraître énigmatique. Car même dans le Maroc voisin, considéré lui aussi comme une « exception » dans la mesure où le roi Mohammed VI n'est jamais personnellement contesté, des rassemblements pacifiques conspuent régulièrement la corruption et exigent de profondes réformes. L'ouverture démocratique de 1988 écrasée dans le sang En réalité, si « particularisme » algérien il y a, il réside dans le fait que l'Algérie n'a pas attendu le « printemps arabe » pour se soulever. La révolte s'est produite il y a plus de deux décennies, en octobre 1988. Ce 5 octobre, des centaines de milliers d'Algériens déferlent dans les rues d'Alger et de toutes les grandes villes du pays. Les slogans qui rythment leurs marches sont déjà éminemment politiques - « Algérie libre et démocratique » - et refusent l'asservissement : « Nous sommes des hommes, nous sommes des hommes !» Ces mots d'ordre vilipendent bien avant l'heure la hogra, ce mépris teinté d'injustice dans lequel les pouvoirs de la région tiennent les populations. En dépit de son terrible bilan - 500 à 800 morts après que l'armée algérienne eut perdu sa légitimité « populaire » en tirant pour la première fois sur la foule -, ce soulèvement sera celui de l'espoir. Il entraînera la fin du parti unique, le FLN, hérité de la guerre de libération nationale, et donnera naissance au pluralisme politique. Aujourd'hui, les autorités ne se privent pas d'instrumentaliser ces événements pour signifier qu'une « révolution en Algérie n'a pas lieu d'être puisqu'elle a déjà eu lieu en 1988 » ! Elles oublient seulement de préciser que la formidable aspiration des Algériens à une ouverture démocratique - que le pouvoir a été contraint de concéder pour éteindre l'incendie - n'a pas duré. Elle sera étouffée trois …
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