Bronislaw Komorowski, né en 1952, appartient à une famille polonaise de vieille noblesse, originaire de Lituanie. Dès ses plus jeunes années, il fait montre d'un esprit rebelle. Son activité clandestine contre le régime communiste - comme lycéen, puis comme étudiant en histoire - lui vaudra d'être emprisonné plusieurs fois et d'être placé en camp d'internement sous le régime d'exception du général Jaruzelski. En 1989, il devient vice-ministre de la Défense dans le premier gouvernement non communiste de la Pologne. Membre du parti libéral, dont l'appellation actuelle est « Plateforme civique » (PO), il fut ministre de la Défense entre 2000 et 2001. La victoire de la PO aux élections législatives de 2007 propulse Donald Tusk au poste de premier ministre et Bronislaw Komorowski à celui de président de la Chambre des députés. C'est à ce titre qu'il exercera, à partir du 10 avril 2010, l'intérim du président Lech Kaczynski, tragiquement disparu dans un accident d'avion près de Smolensk en Russie. Trois mois plus tard (en juillet 2010), il se porte candidat à l'élection présidentielle et est élu au second tour avec 53,01 % des suffrages contre 46,99 % à Jaroslav Kaczynski, frère jumeau du président décédé. Au moment où la Pologne prend la présidence du Conseil européen, Bronislaw Komorowski a accepté de confier à Politique Internationale sa vision des tâches qui l'attendent à la tête de l'Union européenne. L. R.
Luc Rosenzweig - Monsieur le Président, vous êtes le descendant d'une longue lignée d'aristocrates polonais dont le berceau se trouve dans l'actuelle Lituanie. Comment avez-vous traversé la période où la Pologne était sous la domination du pouvoir communiste ?
Bronislaw Komorowski - Dans notre tradition familiale, plus que les titres, le statut social, les biens matériels, c'est le comportement patriotique qui était valorisé. Depuis plusieurs générations, ma famille s'est attachée à servir au mieux sa patrie - soit par l'épée, soit par les armes de l'esprit en contribuant à la vie culturelle et intellectuelle du pays. C'est avec une grande fierté que je peux évoquer mes ancêtres : chaque génération a participé aux guerres et aux insurrections qui ont marqué l'histoire de la Pologne. En ce qui me concerne, je n'avais pas d'autre issue que de vivre dans la Pologne communiste. Pour ma génération, ce n'était plus tellement un problème - en tout cas, pas aussi douloureux que pour celle de mes grands-parents et de mes parents. Le système communiste, en effet, s'était efforcé d'humilier, de piétiner ces gens qui, contrairement à nous, avaient connu la Pologne d'avant-guerre. Ils ont tout perdu : leurs biens et le monde de leur jeunesse. Compte tenu de tout cela, je suis fier de constater qu'une grande partie de ma famille s'est comportée en vertu du principe du yoyo : plus on cherche à vous attirer vers le bas, plus vous remontez haut ! C'est ainsi que, malgré tous les obstacles placés sur son chemin, mon père a pu mener une carrière de professeur à l'Université de Varsovie et, même, à l'université de Nice. Plus tard, il fut nommé ambassadeur par le premier gouvernement de la Pologne libre. Ma propre carrière relève de cette même logique : l'activité clandestine contre le régime communiste a précédé mon entrée en politique.
L. R. - Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette activité clandestine ?
B. K. - Je peux me prévaloir d'appartenir à cette catégorie d'hommes politiques polonais qui ont participé au processus révolutionnaire dès le premier jour. Pour moi, tout a commencé lorsque j'avais seize ans, en 1968. J'étais lycéen et j'ai manifesté aux côtés des étudiants qui exigeaient la liberté d'expression et la fin de la censure (1). En 1976, j'ai fait partie d'un groupe de soutien aux ouvriers polonais en lutte contre le pouvoir. Ce groupe faisait fonctionner des imprimeries clandestines. J'animais une revue souterraine dont le titre était ABC - acronyme qui, en polonais, signifie « De l'Adriatique à la Baltique et jusqu'à la mer Noire ». Notre revue ne se limitait pas aux sujets concernant la Pologne ; elle parlait, aussi, des atteintes à la liberté et de l'oppression des citoyens dans l'ensemble de l'Europe centrale et orientale. Dès cette époque, je me suis intéressé à la solidarité entre les nations et les peuples de la région.
L. R. - Dans votre enfance et dans votre jeunesse, vous avez été très engagé dans le mouvement scout. Cela vous a-t-il servi …
Bronislaw Komorowski - Dans notre tradition familiale, plus que les titres, le statut social, les biens matériels, c'est le comportement patriotique qui était valorisé. Depuis plusieurs générations, ma famille s'est attachée à servir au mieux sa patrie - soit par l'épée, soit par les armes de l'esprit en contribuant à la vie culturelle et intellectuelle du pays. C'est avec une grande fierté que je peux évoquer mes ancêtres : chaque génération a participé aux guerres et aux insurrections qui ont marqué l'histoire de la Pologne. En ce qui me concerne, je n'avais pas d'autre issue que de vivre dans la Pologne communiste. Pour ma génération, ce n'était plus tellement un problème - en tout cas, pas aussi douloureux que pour celle de mes grands-parents et de mes parents. Le système communiste, en effet, s'était efforcé d'humilier, de piétiner ces gens qui, contrairement à nous, avaient connu la Pologne d'avant-guerre. Ils ont tout perdu : leurs biens et le monde de leur jeunesse. Compte tenu de tout cela, je suis fier de constater qu'une grande partie de ma famille s'est comportée en vertu du principe du yoyo : plus on cherche à vous attirer vers le bas, plus vous remontez haut ! C'est ainsi que, malgré tous les obstacles placés sur son chemin, mon père a pu mener une carrière de professeur à l'Université de Varsovie et, même, à l'université de Nice. Plus tard, il fut nommé ambassadeur par le premier gouvernement de la Pologne libre. Ma propre carrière relève de cette même logique : l'activité clandestine contre le régime communiste a précédé mon entrée en politique.
L. R. - Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette activité clandestine ?
B. K. - Je peux me prévaloir d'appartenir à cette catégorie d'hommes politiques polonais qui ont participé au processus révolutionnaire dès le premier jour. Pour moi, tout a commencé lorsque j'avais seize ans, en 1968. J'étais lycéen et j'ai manifesté aux côtés des étudiants qui exigeaient la liberté d'expression et la fin de la censure (1). En 1976, j'ai fait partie d'un groupe de soutien aux ouvriers polonais en lutte contre le pouvoir. Ce groupe faisait fonctionner des imprimeries clandestines. J'animais une revue souterraine dont le titre était ABC - acronyme qui, en polonais, signifie « De l'Adriatique à la Baltique et jusqu'à la mer Noire ». Notre revue ne se limitait pas aux sujets concernant la Pologne ; elle parlait, aussi, des atteintes à la liberté et de l'oppression des citoyens dans l'ensemble de l'Europe centrale et orientale. Dès cette époque, je me suis intéressé à la solidarité entre les nations et les peuples de la région.
L. R. - Dans votre enfance et dans votre jeunesse, vous avez été très engagé dans le mouvement scout. Cela vous a-t-il servi …
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