Les Grands de ce monde s'expriment dans

LE CREDO DES WALLONS

Elio Di Rupo, 60 ans, préside le Parti socialiste belge francophone depuis 1999. Il est également député à la Chambre et bourgmestre (maire) de la ville de Mons, dans la province du Hainaut. Le 16 mai 2011, après près d'un an de crise gouvernementale, il a été nommé « formateur » par le roi Albert II. S'il parvient à surmonter les divergences qui séparent les partis flamands et francophones, il pourrait devenir le premier chef de gouvernement francophone depuis quarante ans. L. R. Luc Rosenzweig - Vous êtes un enfant d'immigré élevé dans une famille nombreuse et économiquement défavorisée du Borinage. Comment vous êtes-vous hissé au sommet de la politique belge ?
Elio Di Rupo - Adolescent, j'étais mauvais élève. J'étais mal dans ma peau. Mon père, décédé quand j'avais un an, me manquait terriblement. Par la suite, j'ai eu la chance immense de croiser, dans mon parcours scolaire, un homme d'une qualité extraordinaire - le professeur de chimie Franz Aubry - qui a cru en moi et m'a rendu confiance en mes capacités. Plus tard, j'ai pu poursuivre mes études grâce, notamment, au soutien affectif que m'a prodigué ma mère. Malgré toutes ses difficultés (elle est restée veuve avec sept enfants), elle a compris que les études pouvaient me sortir de la condition sociale dans laquelle nous nous trouvions. La suite, vous la connaissez : j'ai travaillé sans compter, parfois jour et nuit, en Belgique et en Grande-Bretagne, pour réussir mes études (1). J'ai ensuite eu la possibilité de me rendre aux États-Unis pour continuer mes études mais je n'ai pu résister à la proposition d'entrer dans un cabinet ministériel.
L. R. - Avez-vous été, au cours de votre parcours scolaire et politique, victime de discriminations en raison de vos origines ?
E. D. R. - À l'époque, dans la région du Centre (2), j'étais loin d'être le seul fils d'immigré italien. Je n'ai gardé aucun souvenir de moqueries ou de discriminations. J'ai toujours été très reconnaissant de l'accueil que ma famille a reçu en Belgique. C'est une chance inouïe, en venant de rien, d'avoir eu l'occasion de faire des études de haut niveau.
L. R. - De quand date votre engagement à gauche ? Qu'est-ce qui a été déterminant dans ce choix ?
E. D. R. - Dès ma prise de conscience politique, vers l'âge de dix-sept ans, je me suis tout naturellement considéré comme étant « de gauche ». Mes premières expériences de terrain, c'est à l'Université de Mons que je les ai vécues, comme délégué des étudiants. J'étais un peu le syndicaliste de service et je me suis rendu compte, alors, à quel point il était important de s'organiser pour améliorer les choses. En fait, mon engagement politique vient de là, de cette volonté, très concrète, d'améliorer les conditions de vie de mes semblables. Il est probable que les conditions sociales très difficiles dans lesquelles j'ai grandi expliquent cet aspect de ma personnalité...
L. R. - Existe-t-il, parmi les hommes politiques du passé - en Belgique ou à l'étranger -, des personnalités qui vous servent de modèle, ou pour lesquelles vous éprouvez une admiration particulière ? Si oui, pour quelles raisons ?
E. D. R. - Je n'ai pas de modèle à proprement parler. Mais j'ai toujours eu une très grande estime pour les modes de pensée et le comportement de personnalités comme Gandhi ou Nelson Mandela. François Mitterrand constitue, lui aussi, un personnage de référence. Il incarnait à la fois un socialisme profondément ancré dans le terroir, dans …