Les Grands de ce monde s'expriment dans

LES SURPRISES DE « LA NOUVELLE ROUTE DE LA SOIE »

La Chine est en pleine expansion et le monde arabe s'éveille. Pour Ben Simpfendorfer, économiste basé à Hong-Kong, cette simultanéité n'est pas une coïncidence. L'Empire du Milieu et le monde arabe ont été liés autrefois par l'un des couloirs commerciaux les plus dynamiques de la planète : la route de la soie (1). Or il existe aujourd'hui une « nouvelle route de la soie » qui témoigne de la vitalité retrouvée des échanges entre la Chine et les pays du Moyen-Orient et annonce des changements profonds dans les équilibres mondiaux. Ben Simpfendorfer travaille actuellement pour Global Strategic Associates LLC, une société de conseil internationale. Chargé du secteur Chine et monde arabe, il a vécu à Pékin, à Beyrouth et à Damas. Il parle le mandarin et l'arabe, et intervient souvent sur les chaînes de télévision Bloomberg et CNBC. B. B. Baudouin Bollaert - Quand vous parlez d'une « nouvelle route de la soie », qu'entendez-vous par là ? Ben Simpfendorfer - La nouvelle route de la soie est beaucoup plus importante que l'ancienne. Elle s'étend du nord de l'Asie au nord de l'Afrique. Ses ramifications vont du Caire, de Damas ou de Riyad aux villes-marchés de la Chine entière, y compris Pékin. Au total, elle couvre 47 États (2). Tous sont liés par l'histoire, les religions, la culture et, bien entendu, des échanges commerciaux de plus en plus intenses. J'y inclus, en particulier, les Philippines, étant donné la part importante de travailleurs philippins installés au Moyen-Orient. J'y ai également placé l'Arabie saoudite en raison du poids de ses exportations de pétrole vers la Chine. La nouvelle route de la soie est, par surcroît, devenue une route maritime de premier plan comme le montrent les porte-conteneurs qui naviguent entre Dubaï et Guangzhou. Ils ont remplacé, en quelque sorte, les chameaux qui voyageaient jadis entre Xian et Damas... B. B. - L'Empire du milieu a retrouvé sa place centrale dans le monde. On peut même dire, aujourd'hui, que tous les chemins mènent à la Chine... En quoi les relations entre Pékin et le monde arabe se singularisent-elles ? B. S. - Si le pétrole se trouve évidemment au coeur de ces relations, les rapports entre les peuples et les échanges entre négociants sont tout aussi primordiaux. Quelques exemples : la ville côtière chinoise de Yiwu, sorte de foire permanente, incroyablement dynamique, est spécifiquement tournée vers le monde arabe ; des commerçants chinois ont construit des « chinatowns » à Damas, à Dubaï et même à Riyad ; pour la première fois, de nombreux ménages arabes sont en mesure d'acheter des biens de consommation courante - comme des téléviseurs à écran plasma, des climatiseurs ou des caméras - grâce aux importations de produits chinois bon marché... Tous ces éléments illustrent la place grandissante de la Chine au Moyen-Orient. B. B. - Quelles sont les entreprises chinoises les plus actives et où se trouvent-elles ? B. S. - Elles sont installées en Algérie, en Libye, au Yémen, en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis. Ce sont la China State Construction Engineering Company, la China Harbour Engineering Company, la China National Petroleum Company ou encore Sinopec (China Petrochemical Corporation). Elles sont spécialisées dans le bâtiment et la construction d'infrastructures (ports, routes, aéroports) comme dans les hydrocarbures. Même si sur certains projets politiquement importants elles peuvent soumissionner à des prix volontairement bas, elles agissent en général sur la base de stricts intérêts commerciaux, car les marges de profit sont élevées dans les pays arabes que je viens de citer. B. B. - Quelle est la taille de la diaspora chinoise dans le monde arabe ? B. S. - Il n'y a pas de données précises. Mais la plupart des Chinois vivent aux Émirats arabes unis, en Libye et en Algérie. On estime à 200 000 le nombre de Chinois résidant dans les Émirats arabes …