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HONG KONG : LES SECRETS D'UNE REUSSITE

Entretien avec Donald Tsang, Ancien chef de l'exécutif de Hong Kong par Ulysse Gosset, Journaliste à France Télévisions

n° 134 - Hiver 2012

Donald Tsang Ulysse Gosset - Depuis 1997, Hong Kong jouit d'un statut particulier en vertu du principe « un pays, deux systèmes » (3). Ce statut sera en vigueur jusqu'en 2047. Pourtant, de nombreux experts occidentaux redoutent que la ville et sa région soient rapidement « absorbées » par la Chine. Partagez-vous ces craintes ? Donald Tsang - C'est un fait historique : nous avons été séparés de notre nation pendant presque un siècle et demi avant la réunification de 1997. Cette réunification a entraîné de nombreux avantages pour Hong Kong et sa population. Nous pouvons désormais jouer un rôle majeur dans le développement de notre pays commun tout en continuant de cultiver nos atouts spécifiques : les services financiers, logistiques, les services aux entreprises... Une synergie notable est née, profitable à la fois à la Chine continentale et à Hong Kong. Permettez-moi de vous rappeler que Hong Kong est considérée comme l'économie la plus libérale du monde depuis 1995, selon la Heritage Foundation, et depuis 1970 par les Instituts Cato et Fraser. Mieux encore : nous avons été qualifiés d'« économie la plus compétitive du monde » dans le Livre annuel mondial de la compétitivité (4) de 2011. La population de Hong Kong dispose d'un fort degré d'autonomie. L'état de droit règne dans tous les domaines. Nous disposons de systèmes judiciaire, douanier, juridique, monétaire, fiscal et d'immigration distincts et indépendants - tout cela en vertu du principe « un pays, deux systèmes », que notre Loi fondamentale garantit. Nous jouissons de la liberté d'expression, de presse, de réunion, de mouvement, de religion et de recherche académique, ainsi que du droit de vote et du droit de nous présenter à des élections. Tous ces éléments forment le socle de notre statut unique de Région administrative spéciale (RAS) de Chine. Croyez-moi, la population de Hong Kong préserve jalousement ces droits et ces libertés ! U. G. - Qu'est-ce que la réunification a changé pour Hong Kong sur le plan international ? D. T. - Après notre réunification avec la Chine, Hong Kong a continué à jouer un rôle distinct dans différents forums mondiaux tels que l'Organisation mondiale du commerce, la Coopération économique Asie-Pacifique, le C40 (5), l'Organisation maritime internationale ou encore la Banque asiatique de développement. Nous envoyons même nos propres équipes d'athlètes aux Jeux olympiques et aux Jeux asiatiques. À l'exception de la Défense et des Affaires étrangères, qui sont de la responsabilité du gouvernement central, nous gérons nous-mêmes toutes les affaires qui sont de la compétence normale d'un État. Vous l'aurez compris : l'unification n'a pas mis à mal le statut unique et le mode de vie de Hong Kong. Nous demeurons une région à part au sein de la Chine. U. G. - La population de Hong Kong veut davantage de démocratie. Cette demande se manifeste souvent par des rassemblements dans les rues de la ville. Les contestataires réclament, notamment, l'élection du Chef de l'exécutif au suffrage universel. Comment réagissez-vous à de telles requêtes ? D. T. - Pendant mon mandat de Chef de l'exécutif, j'ai pu observer l'évolution des aspirations de notre peuple, en particulier celles de la jeune génération. Certaines valeurs perdurent : chacun souhaite un bon travail, un bon salaire et un toit à soi. Mais des thèmes tels que l'environnement, la transparence et la responsabilité des entreprises, de même que les réformes démocratiques et la conservation de notre patrimoine et de notre culture uniques ont pris de l'importance. Nous sommes un gouvernement responsable ; en tant que tel, mon équipe et moi-même avons bien l'intention de tenir compte de ces préoccupations chères aux citoyens de Hong Kong. En matière de réforme politique - sujet ô combien important -, nous avons mis en place un calendrier très clair. Le Chef de l'exécutif et l'intégralité de nos élus devraient être élus au suffrage universel, respectivement en 2017 et 2020. U. G. - Ces échéances seront-elles respectées ? D. T. - En tout cas, cet objectif bénéficie d'un soutien sans faille du gouvernement central de la Chine populaire. C'est, en effet, ce dernier qui a organisé le calendrier électoral, à la demande du gouvernement de la Région de Hong Kong. Illustration indiscutable du fait que nos dirigeants nationaux respectent profondément le principe « un pays, deux systèmes ». U. G. - Pourtant, on ressent une grande frustration... Les dirigeants de Hong Kong semblent manquer de popularité et de légitimité. Comment gérer cette frustration ? D. T. - Nos concitoyens s'intéressent aux politiques publiques et à notre façon de gouverner. N'est-ce pas naturel ? C'est justement pour tenir compte de ces attentes que nous avons décidé d'améliorer, dès 2012, le niveau de participation démocratique à l'occasion des élections du Chef de l'exécutif et du Conseil législatif (6). Les habitants de Hong Kong auront alors davantage voix au chapitre pour déterminer les personnes qui dirigeront les affaires de la ville. Cette avancée les convaincra que nous sommes déterminés, comme je vous l'ai dit, à parvenir au suffrage universel. Je tiens à ajouter que les manifestations publiques ont toujours fait partie de la vie de Hong Kong. La population veille jalousement à sa liberté d'expression et de rassemblement, et le gouvernement soutient ces droits. À Hong Kong, les manifestations sont généralement pacifiques et bien organisées. Ce qui en dit long sur la maturité et l'intelligence des citoyens. U. G. - Comment voyez-vous l'avenir de la relation entre Hong Kong et la Chine ? Que peuvent-elles apprendre l'une de l'autre ? D. T. - Depuis le début de notre existence en tant que colonie britannique dans les années 1840, Hong Kong a joué un rôle essentiel : celui de « fenêtre » de la Chine sur le monde et de passerelle entre le monde et la Chine. Cette relation s'est intensifiée lorsque la Chine a commencé à s'ouvrir et à se réformer à la fin des années 1970, et lorsque des entreprises de Hong Kong ont commencé à déplacer certains de leurs sites de production vers la province de Guangdong. Depuis 1997, ces …