Les Grands de ce monde s'expriment dans

MEXIQUE : L'URGENCE DES REFORMES

Entretien avec Enrique Pena Nieto, Candidat du Parti révolutionnaire institutionnel à l'élection présidentielle mexicaine du 1er juillet 2012. par la Rédaction de Politique Internationale

n° 136 - Été 2012

Enrique Pena Nieto Politique Internationale - Voilà plusieurs mois que les sondages vous donnent gagnant de la présidentielle. Comment expliquez-vous cette popularité ? Enrique Peña Nieto - L'explication est double. Il y a, d'une part, un rejet massif à l'égard du PAN. Ce parti a exercé la présidence pendant douze années consécutives. Tout au long de ces douze années, la croissance économique a été insuffisante ; le chômage a doublé ; et la pauvreté a nettement augmenté : il y a 15 millions de Mexicains pauvres supplémentaires depuis 2006, année où Felipe Calderon, du PAN, a succédé à Vicente Fox, du PAN... Sans oublier, bien sûr, que le niveau d'insécurité est très élevé. Entre 2007 et 2010, le nombre d'homicides a triplé. Jamais la violence n'a été aussi élevée depuis quarante-cinq ans ! Bref, le Mexique est en grande difficulté. Dans un tel contexte, il est naturel que les Mexicains exigent le changement. Or, précisément, j'incarne le changement. Mais je ne viens pas de nulle part : j'ai déjà démontré que je savais gouverner. Ma gestion à la tête de l'État de Mexico, que j'ai dirigé de 2005 à 2011, a été largement approuvée par mes administrés. La preuve : à la fin de mon mandat de six ans, ils ont réélu mon parti avec 62 % des voix ! Pour répondre à votre question d'une phrase, je dirai donc que ma popularité est due à la fois au discrédit qui frappe le pouvoir actuel et à la confiance que me font les citoyens au vu de mes états de service. P. I. - Votre parti, le PRI, a dirigé le Mexique 71 ans durant, de 1929 à 2000. Pourquoi les Mexicains, qui ne connaissent l'alternance politique que depuis douze ans, rendraient-ils les rênes du pays à cette formation ? E. P. N. - Au cours des dernières décennies, le Mexique est devenu une vraie démocratie électorale : nos processus électoraux sont, désormais, réellement démocratiques. C'est une avancée inégalable dont je me félicite très sincèrement. Hélas, les espoirs suscités par l'alternance, qui a été incapable de transformer le pays, ont généré une désillusion chronique chez les Mexicains. De notre côté, au PRI, nous sommes fiers des succès que notre parti a connus au XXe siècle. Mais cette fierté ne nous empêche pas d'être conscients des erreurs que notre formation a commises. Nous en avons tiré les enseignements. Après la défaite de 2000, le PRI a su se rénover et se convertir en un parti politique compétitif qui sait gagner les élections et gouverner - je le répète - de façon absolument démocratique. Aujourd'hui, nous sommes un parti d'opposition responsable qui présente un projet alternatif à la nation. Notre mue a, d'évidence, séduit bon nombre de nos concitoyens. P. I. - Concrètement, qu'est-ce qui caractérise ce « nouveau PRI » ? E. P. N. - Par rapport au PRI du siècle dernier, le parti se distingue par une nouvelle manière de faire de la politique. J'ai la chance de faire partie de cette génération de « priistes » qui a appris à gouverner dans un contexte de transparence et de liberté d'expression, sous le regard vigilant d'une société chaque jour plus informée et plus participative. Bref, nous sommes des démocrates engagés dans une concertation constructive avec nos compatriotes. P. I. - Vos détracteurs contestent l'existence d'un « nouveau PRI ». Ils assurent que vous représentez, en réalité, la vieille garde de votre parti, dont les pratiques clientélistes et corporatistes ont été longtemps dénoncées. Un ex-gouverneur du PRI - Tomás Yarrington, gouverneur de l'État de Tamaulipas de 1999 à 2005 - est fortement soupçonné de blanchiment d'argent aux États-Unis. Un autre - Humberto Moreira, gouverneur de l'État de Coahuila de 2005 à 2011 - a laissé une dette colossale. À la fin de son mandat de gouverneur, il avait pris la présidence du PRI, mais a dû en démissionner en décembre dernier suite à ces révélations. Certains vont plus loin et vous accusent directement d'avoir protégé votre prédécesseur à la tête de l'État de Mexico, Arturo Montiel, soupçonné d'enrichissement personnel. Êtes-vous sensible à ces accusations ? E. P. N. - Au cours de cette campagne présidentielle, nos adversaires ont choisi de polariser l'opinion en multipliant les attaques personnelles. C'est leur droit, même si je pense que cette stratégie se sera, au final, révélée contre-productive pour eux. Moi, en tout cas, j'ai fait le choix de me concentrer sur mon programme. Chacun sa méthode... Pour ce qui est du cas particulier de M. Montiel, j'ai déjà répondu à ces accusations mais je vais le faire une fois de plus pour être parfaitement clair. Toutes les informations concernant ce dossier sont publiques et disponibles sur Internet. En tant que gouverneur de l'État de Mexico, j'ai ordonné, auprès du chef de l'inspection des finances de mon administration, une enquête portant sur la situation patrimoniale de mon prédécesseur. J'ai également créé un ministère public spécial consacré à l'affaire au sein du Parquet général de l'État de Mexico. Composé d'experts extérieurs à mon gouvernement, ce ministère public a conduit une enquête impartiale et transparente. Le dossier a ensuite été transmis aux instances du gouvernement fédéral. J'en ai remis moi-même une copie au Parquet général de la République. De son côté, le ministère des Finances a conduit sa propre investigation. Finalement, le Parquet général et le ministère public de l'État de Mexico sont parvenus à la même conclusion : il n'existe aucune preuve de quelque délit qui aurait été commis par M. Montiel. P. I. - C'est la première fois dans l'histoire du Mexique que des étudiants manifestent contre un candidat à la présidentielle. Né sur les réseaux sociaux, ce mouvement, qui a débuté le 11 mai, dénonce le soutien dont bénéficie votre candidature de la part des deux géants de la télévision, Televisa et TV Azteca. Serait-ce l'amorce d'un « printemps mexicain » ? E. P. N. - La participation politique des jeunes est toujours la bienvenue. Elle est nécessaire pour renforcer et dynamiser notre démocratie. Ces expressions populaires me …