VENEZUELA : L'INAMOVIBLE HUGO CHAVEZ

n° 137 - Automne 2012

On croyait Hugo Chavez mourant. Et le voilà qui en reprend pour six ans. Atteint d'un cancer dont on ignore la nature, le président vénézuélien a ressuscité, début juillet, pour se lancer avec fougue dans une nouvelle campagne présidentielle, la quatrième depuis 1998. Le 7 octobre, il remportait le scrutin avec 55,25 % des voix, contre 44,13 % pour son jeune adversaire Henrique Capriles. L'élection du leader de la révolution bolivarienne transcende les frontières du Venezuela. Parce qu'il a du pétrole, beaucoup de pétrole, et le verbe facile ; parce qu'il pourfend l'impérialisme et croit au socialisme du XXIe siècle, Hugo Chavez est en effet devenu un référent latino-américain et mondial. Encensé ou abhorré, il polarise l'opinion dans son pays comme sur la scène internationale. La virulence des jugements qu'il suscite ne facilite pas l'analyse. À bien des égards, le bilan de son gouvernement doit pourtant être nuancé. D'une part, l'impact des politiques mises en oeuvre n'est pas le même selon les groupes sociaux ou les partenaires concernés. Les élites - économiques et politiques, intellectuelles et médiatiques - jugent désastreuse l'action d'Hugo Chavez, tandis que les secteurs populaires continuent de massivement l'approuver. Les entreprises occidentales, américaines et européennes, se désolent de voir un marché prometteur leur échapper, cependant que la Chine, le Brésil ou la Russie se frottent les mains. D'autre part, il est des pesanteurs difficiles à évaluer. Le changement introduit par Hugo Chavez n'est probablement pas aussi radical que le disent ses partisans ou que le dénoncent ses détracteurs. Les premiers oublient que la manne pétrolière de ces dernières années aurait amélioré les conditions de vie des classes populaires quel que soit le gouvernement en place. Les opposants, eux, idéalisent un « avant-Chavez » fait de démocratie exemplaire et de relations sociales paisibles. Ils oublient la violence du « Caracazo », ce soulèvement populaire de 1989 réprimé dans le sang. La révolution bolivarienne n'a pas guéri les maux structurels de l'économie pétrolière ; elle en a corrigé certains des effets les plus néfastes sur le plan social. C'est de fait la crise du modèle de redistribution de la rente pétrolière mis en place au lendemain du choc de 1973 qui a mené Hugo Chavez au pouvoir un quart de siècle plus tard. Entre-temps, la population vénézuélienne avait doublé (passant de 11 à 22 millions), le prix du baril de pétrole avait chuté (il était de 8 dollars en 1998), l'incurie des élites, le discrédit des partis traditionnels et la corruption étaient devenus intolérables. En 1998, l'ex-colonel Hugo Chavez - qu'une tentative de coup d'État avait rendu célèbre en 1992 - emporte la présidentielle en promettant de refonder la politique et d'assainir les moeurs. Le pétrole est reparti à la hausse et Hugo Chavez est devenu socialiste. Son gouvernement a bénéficié de ressources sans précédent, évaluées à plus de 700 milliards de dollars. Richesse et malédiction, le pétrole finance tout au Venezuela : la politique sociale et le développement, les expropriations et la réforme agraire, le gaspillage, la corruption …