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GRECE : CONTRE L'AUSTERITE

Alexis Tsipras est devenu le chef de l'opposition au Parlement grec à l'issue des élections législatives de juin 2012, alors qu'il était à peine âgé de 38 ans. Son parti, Syriza (gauche radicale), y a talonné avec 26,89 % des voix la Nouvelle démocratie que dirige Antonis Samaras, l'actuel premier ministre. À en croire certains sondages réalisés fin 2012, Syriza serait même, aujourd'hui, la première formation politique de Grèce. La spectaculaire montée en puissance du mouvement d'Alexis Tsipras - qui n'avait obtenu que 4,69 % des suffrages aux législatives d'octobre 2009 - a de quoi surprendre. Ce phénomène s'explique par la crise financière, économique et sociale sans précédent que connaît la Grèce. Le chômage a explosé (il touche désormais 26 % de la population active) et la récession a été de près de 7 % en 2012, et devrait encore atteindre 4,5 % en 2013, selon les prévisions de l'OCDE. Dans ce contexte, le système politique grec subit de profonds bouleversements matérialisés par l'émergence de nouveaux partis comme Syriza mais, aussi, comme le parti néo-nazi Aube dorée. Ces formations, qui contestent radicalement le système existant, prospèrent depuis l'effondrement du Parti socialiste (Pasok), réduit à deux douzaines de députés alors qu'il en comptait 160 en 2009, lorsqu'il était au pouvoir. C'est toutefois la conversion d'Antonis Samaras en novembre 2011 (1) à la politique de rigueur pour permettre à la Grèce d'assainir ses finances publiques - alors que l'actuel chef du gouvernement ne cessait, depuis deux ans, de préconiser une relance de l'économie par une baisse d'impôts - qui permet de mieux comprendre l'ascension d'Alexis Tsipras, devenu le seul champion de l'anti-austérité. Pour résoudre la crise que traverse le pays, le chef de Syriza avance quelques propositions simples : il réclame l'effacement d'une partie importante de la dette souveraine grecque par ses créanciers et estime qu'une période de plusieurs dizaines d'années doit être accordée à Athènes pour en rembourser le solde. Il justifie cette position en s'appuyant sur le précèdent de la Conférence de Londres de 1953 qui a procédé de la sorte pour sortir l'Allemagne du gouffre financier dans lequel ce pays se trouvait englouti depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Partisan du maintien de la Grèce dans la zone euro - ce que souhaitent également la grande majorité de ses compatriotes -, le chef de l'opposition parlementaire tire habilement profit de l'échec patent des différents plans de rigueur gouvernementaux élaborés sous la pesante pression de l'UE et du FMI ainsi que des scandales financiers qui ont éclaboussé les gouvernements successifs depuis les Jeux olympiques d'Athènes de 2004 (2). Alexis Tsipras considère que la crise de l'euro doit être résolue de façon globale au niveau européen et non pas à l'échelle de chacun des pays dont le déficit public n'est plus supportable. Il affirme que la Grèce doit, aussi, rechercher des appuis en dehors de l'Europe pour sortir de l'impasse. Le président de Syriza, qui s'est rendu fin 2012 en Argentine et au Brésil où il a été fort bien reçu par les dirigeants de ces pays, a une conviction : l'expérience de l'Amérique latine prouve que les conceptions économiques de l'Europe libérale ne constituent pas l'unique modèle permettant à un État de surmonter ses difficultés. Pour lui, seule une vigoureuse relance de son économie doit permettre à la Grèce d'échapper à la faillite qui la guette. Allié du Front de gauche en France et de Die Linke en Allemagne, Syriza souhaite l'instauration d'une Europe sociale. Il est certain que si le dernier plan de sauvetage de la Grèce - décidé non sans difficulté le 26 novembre 2012 (3) par l'UE et le FMI - devait échouer, le gouvernement Samaras, dont la majorité ne cesse de s'effriter, chuterait. On assisterait alors, sans doute, à l'accession au pouvoir d'Alexis Tsipras. J. C. Jean Catsiapis - Vous êtes le chef de l'opposition depuis les élections du 17 juin 2012. Comment expliquez-vous la spectaculaire progression de votre parti qui a recueilli 26,89 % des suffrages exprimés alors qu'il n'en avait obtenu que 4,69 % en 2009 ? Alexis Tsipras - La crise économique et la politique d'austérité ont provoqué des changements sismiques dans la société grecque. Le traditionnel pouvoir établi s'est aligné sur cette politique absurde, catastrophique et sans issue. Les Grecs savent bien que les sacrifices qu'ils subissent ne produiront aucun résultat positif. Nous avons soutenu, pour notre part, les actions de résistance sociale (4) et expliqué que la crise de la dette ne peut pas être traitée par des mesures financières qui provoquent une récession incontrôlable. Nous avons élaboré une politique de rechange et un programme économique sur lesquels nous avons recherché l'unité la plus large possible. C'est ainsi qu'un grand nombre de nos concitoyens se sont tournés vers nous : à leurs yeux, nous incarnons l'espoir et la solution. J. C. - En 2012, les Grecs ont déjà élu leurs députés à deux reprises : en mai et en juin (5). Pourtant, début novembre, vous avez réclamé la tenue de nouvelles élections législatives anticipées. Ne pensez-vous pas qu'un scrutin supplémentaire risquerait de détériorer encore davantage l'image de la Grèce au sein de l'Union européenne ? A. T. - La Grèce se doit de sortir du programme d'austérité dont je viens de vous dire à quel point je le trouve absurde et catastrophique. La politique imposée avec la complicité des gouvernements grecs provoque une pauvreté inconcevable, le malheur et l'insécurité... et, pendant ce temps, les indicateurs économiques empirent au lieu de s'améliorer ! Chacun peut le constater. À chaque objectif non atteint a répondu une nouvelle vague de mesures qui passent de plus en plus mal, tant au Parlement que dans la société. Le gouvernement élu en juin ne dispose plus que de 150 sièges sur 300 (6). Il y a donc un problème politique qui ne peut être résolu que par un gouvernement de gauche qui dénoncera le Mémorandum (7) de la Commission européenne, de la BCE et du FMI et élaborera un nouvel accord avec nos créanciers. J. C. - Avec quels partis politiques pensez-vous faire alliance pour gouverner la Grèce ? Il est de notoriété publique que les rapports de Syriza avec le parti communiste KKE sont conflictuels et que vous combattez le parti de la gauche démocratique Dimar, qui soutient le gouvernement d'Antonis Samaras... A. T. - Nous n'avons qu'un seul adversaire : la politique d'austérité et de récession. Les autres forces de la gauche ont choisi leur propre voie. Les formidables bouleversements que le pays est en train de vivre les forceront très probablement à reconsidérer leur position. Dans le cas contraire, elles seront marginalisées. De notre côté, nous désirons mettre en oeuvre la collaboration la plus large afin de changer la politique appliquée en Grèce. Si certains ne le souhaitent pas, le rassemblement de la majorité …