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L'ETRANGE DESTIN DE L'ALLIANCE SYRIE-IRAN-HEZBOLLAH

Durant trois décennies, la triple alliance constituée par la Syrie des Assad, le régime islamique iranien et le Hezbollah libanais a mis en oeuvre une redoutable stratégie régionale. À l'origine, le rapprochement Damas-Téhéran fut un mariage de circonstance entre un régime nationaliste arabe et une théocratie chiite. Mais cette union a fini par devenir l'une des alliances les plus durables du Moyen-Orient ; et cela grâce aux succès politiques et militaires enregistrés par le Hezbollah sur la scène libanaise (1). Cet « axe de la résistance » (Mihwar al Muqawama), selon la terminologie employée par les intéressés, a constitué au cours de cette période un bloc solide dont l'objectif était de s'opposer aux stratégies « impérialistes » des États-Unis au Moyen-Orient et de poursuivre la lutte contre Israël après la normalisation de ses relations avec l'Égypte en 1979. Pour ce faire, Damas et Téhéran ont souvent opté pour la guerre asymétrique, finançant des groupes terroristes et d'insurgés partout où ceux-ci pouvaient viser les armées israélienne et américaine (dans les territoires palestiniens, au Liban ou encore en Irak). Cependant, à partir de février 2011, la crise syrienne née dans le sillage du printemps arabe a mis à l'épreuve les fondements de cette alliance. L'Iran et le Hezbollah ont d'abord cherché à ménager leurs propres intérêts. Chacun à sa façon, ils ont continué à afficher leur soutien à Bachar al-Assad. Mais, simultanément, les responsables iraniens et le Parti de Dieu ont tenté de jouer les médiateurs entre le régime et les rebelles afin de négocier les termes d'une sortie de crise. Cette posture, qui leur aurait permis de sauver la face, n'a pas tenu bien longtemps. Avec le franchissement d'un nouveau seuil de violence à la mi-2012, le régime syrien est désormais entré dans une phase de survie qui le pousse à tout remettre en cause, à commencer par le statu quo régional. Si Assad semble ne pas écarter un éventuel exil - notamment dans le cadre de négociations avec l'envoyé de l'ONU, Lakhdar Brahimi -, les combats avec la rébellion ont dans le même temps renforcé l'aile la plus dure de ses proches conseillers, celle qui est prête à se battre jusqu'au dernier soubresaut du régime (2). Les deux autres pointes de ce triangle stratégique se trouvent donc prises au piège de cette logique jusqu'au-boutiste. Incapable de contenir les effets régionaux de la guerre interne en Syrie, la triple alliance s'engage dans une fuite en avant aux conséquences dramatiques. Cette escalade se traduit par un renforcement de la présence de l'Iran et du Hezbollah sur le théâtre syrien et par une régionalisation du conflit, qui se propage en particulier au Liban. Syrie-Iran-Hezbollah : naissance de l'« axe de la résistance » En janvier 2010, lors d'une visite à Damas, Mahmoud Ahmadinejad, avec sa grandiloquence habituelle, affirme que « l'Iran et la Syrie ont une mission commune : créer un nouvel ordre mondial fondé sur la justice, l'humanité et la croyance en Dieu » (3). Le message du président iranien marque l'apogée …