Si tous les pays d'Europe ont été frappés par la crise financière en 2008-2009, la Lettonie a été l'un de ceux où l'impact a été le plus violent. Une croissance à deux chiffres a cédé le pas à une récession à deux chiffres, plongeant le petit État balte dans la tourmente économique. Pourtant, plus de trois ans après le choc, la Lettonie a gaillardement repris le chemin de la croissance, au point d'être souvent présentée comme un modèle pour ses camarades de l'UE en quête d'idées et de solutions durables en cette période compliquée de l'histoire européenne. Recette employée : une cure d'austérité sans précédent. L'architecte de ce rétablissement est un homme discret, mais doté d'une détermination à toute épreuve, dont le nom circule désormais parmi ceux des successeurs potentiels de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne. Relativement peu connu de ses concitoyens au moment de sa nomination le 12 mars 2009, au plus fort de la crise, Valdis Dombrovskis s'est affirmé comme l'un des dirigeants politiques les plus stables des États baltes. Aucun premier ministre letton n'a réussi à se maintenir aussi longtemps que lui au pouvoir depuis le retour à l'indépendance de cette ancienne république soviétique, il y a deux décennies. Au moment de son entrée en fonctions, ce natif de Riga, physicien de formation, n'est âgé que de trente-sept ans. Au cours des années précédentes, son mandat de député européen l'a souvent maintenu hors des débats de politique intérieure. Son parti, Nouvelle Ère (centre droit), l'a quand même choisi comme candidat au poste de premier ministre en vue des législatives d'octobre 2006 ; puis, à la fin de 2007, après la démission du gouvernement dirigé par le libéral Aigars Kalvitis ; et, enfin, au début de 2009, lorsque la coalition gouvernementale au pouvoir jette l'éponge, sur fond de crise bancaire et d'incertitudes quant à la solidité de la devise lettonne, le lats. Le pays de deux millions d'habitants traverse alors de fortes turbulences. Avant la crise, la Lettonie, plus que ses voisines baltes, s'est exposée aux risques en promouvant un développement économique rapide nourri par des conditions de crédit très faciles (offertes notamment par les banques nordiques) et une politique budgétaire expansionniste. Ces facteurs, cumulés à une demande intérieure et à des importations excessives, créent des déséquilibres. Lesquels, aggravés par la crise mondiale secouant les marchés financiers à partir de l'automne 2008, conduisent à une perte de confiance à l'égard de ce pays, et notamment de son secteur bancaire. Bon connaisseur des dossiers financiers - il a détenu ce portefeuille dans le gouvernement d'Einars Repse entre novembre 2002 et mars 2004 - et des arcanes européens, M. Dombrovskis met en oeuvre une politique d'austérité extrêmement sévère, en accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne, qui viennent de prêter 7,5 milliards d'euros à la Lettonie pour éviter le pire. C'est l'option de la déflation interne qui est choisie - avec, pour conséquences, une baisse des prix mais, aussi, des salaires (la plus forte au sein de l'UE en 2009) et donc de la consommation et, au bout du compte, du niveau de vie général. Sans taches compromettantes sur son CV, préférant la froideur des chiffres aux effets de manche, le taciturne Valdis Dombrovskis fait preuve d'un sérieux et d'une retenue qui tranchent par rapport à ses prédécesseurs. Le visage presque poupin, le regard peu expressif derrière ses fines lunettes rectangulaires, il parvient à incarner la stabilité financière retrouvée. Et même si celle-ci se traduit par des coupes de salaires pouvant aller jusqu'à 50 % et une résurgence du chômage, le gouvernement Dombrovskis est reconduit après les élections législatives du 2 octobre 2010 puis celles du 17 septembre 2011, convoquées de manière anticipée par le président Valdis Zatlers. Depuis, la politique de M. Dombrovskis est montrée en exemple par les adeptes de l'austérité. Les agences de notation financière Standard & Poor's, Fitch Ratings et Moody's ont réhabilité la Lettonie en relevant la note accordée à ce pays, désormais crédité d'une perspective positive. À Riga, la grande majorité des dirigeants politiques et économiques espèrent rejoindre la zone euro en 2014, dix ans après l'entrée du pays dans l'Union européenne et l'Otan. A. J.
Antoine Jacob - Lors d'une visite à Riga en juin 2012, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a estimé que votre pays avait obtenu « des résultats incroyables ». Êtes-vous surpris d'entendre de tels compliments concernant la manière dont la Lettonie s'est attaquée à ses problèmes et a réussi à sortir de la récession ? Valdis Dombrovskis - Je ne suis pas surpris puisque notre gestion de la crise a été couronnée de succès. Nous avons procédé aux plus importants ajustements budgétaires de l'Union européenne proportionnellement à notre population : nous sommes allés encore plus loin que la Grèce ! Et notre économie est celle qui, cette année, a progressé le plus rapidement de toute l'UE : le taux de croissance s'est élevé à 6,9 % au premier trimestre 2012, 5,1 % au deuxième et 5,3 % au troisième. A. J. - Comment êtes-vous parvenus à inverser la tendance ? V. D. - Nous avons avancé dans trois directions principales. La première a consisté à consolider nos finances publiques (1). Il n'existait pas d'autres options viables que la réduction du déficit budgétaire. Pour une raison évidente : la stabilité financière est une condition absolument nécessaire à la croissance économique. Grâce à cette stabilité retrouvée, les banques se remettent à prêter de l'argent aux individus et aux entreprises, les capitaux ne fuient pas le pays, les gens savent à quoi s'en tenir et peuvent dépenser à nouveau, etc. D'ailleurs, dès que nos finances publiques ont été remises en ordre, la croissance est revenue. C'est pourquoi j'estime que le débat européen actuel, que l'on réduit à « croissance contre austérité », est mal posé. La Lettonie a subi la plus grande cure d'austérité d'Europe et pourtant, moins de trois ans plus tard, elle jouit de la plus forte croissance parmi les États membres ! Autre axe important : la relance économique. Lorsque nous avons réduit nos déficits, nous ne pouvions pas compter sur la demande intérieure pour dynamiser l'économie dans la mesure où la crise battait son plein. Ce rebond devait provenir des exportations. Nous avons donc dû promouvoir la production industrielle et améliorer le climat des affaires pour relancer les exportations. Sur ce point, les fonds européens ont joué un rôle central : c'était notre principal moyen de redynamiser l'économie nationale. Nous avons accéléré l'absorption de ces fonds dès 2009, puis durant les deux années suivantes. Nous avons également pris des mesures pour réduire le fardeau administratif et alléger les régulations. Selon l'index Doing business de la Banque mondiale, la Lettonie a progressé de dix places en 2011 pour atteindre le 21e rang. C'est la première fois que nous faisons mieux que nos voisines baltes, l'Estonie (24e) et la Lituanie (27e). Dans le classement 2012, la Lettonie a toutefois perdu quatre places, et est de nouveau devancée par l'Estonie (21e). Troisième axe principal : nous avons créé un filet de sécurité social durant la crise pour faire face à ses conséquences humaines. Cela s'est traduit, entre autres, par un allongement …
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