Les Grands de ce monde s'expriment dans

TOUS LES CHEMINS MENENT A DOHA

« Combien ça coûte ? » Telle est apparemment, pour l'émir du Qatar, la seule question qui vaille. Frénésie d'achats, entrisme diplomatique, promotion d'un islam politique souvent ambigu : autant d'événements qui nourrissent interrogations et fantasmes sur la véritable stratégie de ce petit émirat. Fort de ses immenses richesses, Doha mène depuis quelques années une offensive économique tous azimuts et multiplie les initiatives diplomatiques en direction du monde arabe. Outre ses énormes moyens financiers, le Qatar dispose de deux atouts majeurs : le cheikh Youcef Al-Qaradawi, dont l'autorité religieuse s'étend à l'ensemble de l'islam ; et la chaîne d'information en continu Al-Jazeera, la « CNN arabe ». Ces trois éléments de puissance permettent à l'émir Hamed bin Khalifa Al-Thani d'exister sur l'échiquier politique et économique mondial. Qu'il s'agisse du « printemps arabe », de la question israélo-palestinienne ou encore des prises de participations financières dans les grandes multinationales, il est sur tous les fronts. Sans oublier de curieuses interventions, à l'instar de cette médiation inattendue avec les Talibans (1). Dans un monde musulman en pleine ébullition, le Qatar entend jouer les premiers rôles. Pour comprendre les ressorts de la stratégie qatarie, il faut remonter au traumatisme qu'a représenté, pour toutes les monarchies du Golfe, l'invasion du Koweït par l'armée irakienne en 1990. Le Qatar, comme ses voisins, s'est alors mis en quête de soutiens étrangers. Or seuls les États-Unis pouvaient le protéger contre de telles agressions. Dans le prolongement de l'opération « Desert storm », un premier accord militaire est signé en 1991 entre Doha et Washington. Les termes de l'échange se mettent progressivement en place : gaz contre protection. Les relations s'approfondissent au fil des ans, Doha accédant au statut de sous-traitant de la politique américaine. Cette évolution est devenue flagrante avec le printemps arabe : le Qatar s'affirme comme le « vaisseau amiral » des révolutionnaires tout en écartant la moindre démocratisation sur son propre territoire. Le gaz, propulseur de l'émirat En réalisant un coup d'État contre son père en juin 1995, l'émir Hamed bin Khalifa Al-Thani devient à l'âge de 44 ans le plus jeune monarque du Golfe. Il entame une modernisation de l'économie qatarie que son père, souvent en villégiature sur la Côte d'Azur, avait laissée en jachère. L'exploitation du plus grand gisement gazier au monde, le South Pars (côté iranien)/North Dome Field (côté qatari), d'une superficie de 6 000 km2, permet à l'émir de consolider les réserves financières de son pays. « Au Proche-Orient, les gisements contiennent surtout du pétrole et un peu de gaz qu'on a d'ailleurs longtemps gaspillé en le brûlant à la torchère. Ici (North Dome), c'est le contraire : il y a peu de pétrole et énormément de gaz : 50 900 milliards de mètres cubes » (2). Outre ses propriétés géologiques, ce gisement a la particularité d'être situé à cheval sur les eaux territoriales de l'Iran chiite et du Qatar sunnite. Une cohabitation contre nature mais qui fonctionne sans heurts grâce à une forte convergence d'intérêts économiques. La demande mondiale …