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ISRAEL : LES ARMES DE LA PAIX

Entretien avec Moshé Yaalon, Ancien chef d'état-major de l'armée israélienne (2002-2005). Ancien ministre des Affaires stratégiques (2009-2013) et de la Défense (2013-2016), par Richard Darmon, Journaliste

n° 138 - Hiver 2013

Moshé Yaalon Richard Darmon - La Palestine a été élue « État observateur non membre » de l'ONU le 29 novembre dernier. Quelle est, à vos yeux, la portée de cette décision pour Israël et pour la région ? Moshé Yaalon - L'initiative de l'Autorité palestinienne (AP), qui vient d'être couronnée de succès, constitue une violation flagrante et grossière de tous les accords de paix intérimaires passés depuis 1993 avec Israël - lesquels prohibent toute démarche unilatérale des parties. Le plus inadmissible, c'est qu'une forte majorité des pays membres de l'Assemblée générale de l'ONU s'y sont ralliés, tout comme plusieurs pays européens pourtant cosignataires de nos accords avec l'AP. Cette attitude ne peut que miner la confiance que nous placions dans l'ONU et disqualifier les États européens qui seraient tentés de s'impliquer davantage dans le règlement du conflit avec les Palestiniens. En se tournant vers les Nations unies, Abou Mazen, le président de l'AP, savait qu'il n'avait rien à perdre et tout à gagner. En avalisant cette démarche, qui consiste à contourner la voie de la négociation bilatérale qui prévalait depuis près de vingt ans, l'ONU amorce un virage dangereux. Même s'il est vrai que la reconnaissance formelle de l'État de Palestine ne changera pas grand-chose aux réalités de terrain... Depuis des décennies, on sait bien que l'Assemblée générale des Nations unies fonctionne à coups de majorités automatiques et que, quoi que fasse Israël, il sera toujours condamné. N'est-ce pas Abba Eban qui disait que, si l'on proposait un jour aux membres de l'ONU un projet de résolution affirmant que c'est à cause d'Israël que la terre est plate, 10 % s'y opposeraient et 90 % l'approuveraient ? Tout cela confirme que les Nations unies sont une institution internationale sur laquelle Israël ne saurait se reposer. Face à la décision inacceptable de Mazen, il était tout à fait normal qu'Israël réagisse en défendant pied à pied ses intérêts et en prenant, à son tour, des mesures unilatérales. Il faut que l'AP mesure bien la portée de ses actes. R. D. - La reprise des constructions autour de Jérusalem constitue donc la réponse du berger à la bergère ? M. Y. - Malgré les limites que nous nous étions imposées ces derniers mois afin d'encourager la reprise des pourparlers, nous avons lancé la mise en chantier - tout à fait légale - de 3 200 logements entre Jérusalem et sa grande banlieue est, Maalé Adoumim, ainsi qu'en Judée-Samarie. Des régions qui n'ont jamais constitué dans l'Histoire une quelconque « Palestine »... Apparemment, les Européens n'ont pas bien saisi le profond consensus qui existe en Israël - à la fois au niveau des gouvernements successifs et de la population - sur la poursuite des implantations. Il s'agit d'affirmer la présence israélienne dans l'ensemble de Jérusalem et de sa région, ainsi que dans les zones de Judée-Samarie correspondant aux grands « blocs d'implantations » que notre pays ne pourra que conserver dans le cadre d'un règlement final négocié. S'il est fort regrettable, le tollé diplomatique assez disproportionné que notre décision a soulevée sur le Vieux Continent n'est qu'une péripétie de plus dans nos relations parfois tendues : il ne s'agit ni d'une « crise de rupture » de ces liens - importants pour tout le monde - ni d'une « aggravation de l'isolement diplomatique » d'Israël, comme une certaine presse se plaît à l'affirmer. R. D. - Quel bilan militaire et stratégique tirez-vous de la dernière opération de Tsahal, « Colonne de nuée », contre le Hamas à Gaza ? Celui-ci s'est aussitôt déclaré le « vainqueur » de cette confrontation... M. Y. - Nous avons dû organiser cette campagne anti-terroriste à Gaza car, depuis le mois de juin, le Hamas, encouragé par l'Iran qui lui envoie depuis des années armes, argent et instructeurs, s'était lancé dans une escalade d'actes hostiles : tirs répétés de roquettes sur le Néguev et tentatives d'attentats contre Israël. Il comptait sur la protection inconditionnelle du nouveau régime islamiste égyptien et pensait que la proximité des élections législatives allait nous « brider » : double erreur d'analyse ! La preuve que l'opération Colonne de nuée a réussi, c'est qu'il n'y a pas eu - pour l'instant - d'attentat ou de tir en provenance de Gaza. Du jamais vu depuis des mois ! L'objectif, qui consistait à renforcer la force de dissuasion de Tsahal, a été atteint. Le Hamas a dû réaliser que son agressivité lui avait coûté très cher : 1 500 cibles détruites à Gaza, 120 terroristes (dont 30 chefs) éliminés, des centaines de bâtiments, de QG et d'infrastructures des milices islamistes anéantis... Un succès qui confirme que la meilleure défense, dans ce genre de situation, c'est bien l'attaque. Quant au fait que le Hamas a publiquement pavoisé après le cessez-le-feu en clamant sa « victoire » devant tous les médias internationaux, cela me rappelle l'attitude du Hezbollah après la deuxième guerre du Liban de l'été 2006. Le cheikh Hassan Nasrallah avait qualifié l'issue de ce conflit de « sainte victoire » pour sa milice... alors qu'il commençait à s'enfermer lui-même dans un bunker dont il n'est toujours pas sorti plus de six ans après ! Six années de tranquillité pendant lesquelles le Hezbollah n'a pas osé tirer un seul de ses nombreux missiles sur Israël ! Que les extrémistes islamistes, chiites ou sunnites, continuent donc de célébrer leurs « victoires » : en ramenant le calme sans avoir dû recourir à d'autres moyens plus massifs, Tsahal a amplement rempli sa mission face au Hamas. R. D. - Pourquoi Israël ne reprend-il pas, dès maintenant, les pourparlers de paix avec l'AP - des pourparlers interrompus depuis près de deux ans ? M. Y. - Il y a une chose qu'on a du mal à comprendre, en Occident : c'est que la principale cause de l'instabilité du Moyen-Orient n'est pas le conflit israélo-palestinien. Il existe dans la région au moins une vingtaine d'autres conflits en tous genres : la rivalité sunnites-chiites ; les déchirements internes à l'Irak ; la question …