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Algérie : l'après-Bouteflika a commencé

Restée à l'écart des révolutions arabes, l'Algérie est aujourd'hui considérée, avec son voisin et rival marocain, comme le pays le plus solide de la région. Le charme désuet de son modèle de république nationaliste et militaire ravit, par contraste, les diplomaties occidentales - des démocraties que l'irruption des « printemps arabes », avec leurs partis islamistes et leurs sociétés civiles, avait déstabilisées. Cette réhabilitation a coïncidé avec l'arrivée à la présidence d'Abdelaziz Bouteflika (1999) après dix ans d'une guerre civile meurtrière et de pouvoir militaire (1991-1999). Fortement décriés pour leurs violations massives des droits de l'homme durant la guerre civile, les généraux ont appliqué l'art du camouflage et disparu des écrans médiatiques. Au cours de ces dix dernières années, l'armée algérienne, déchargée de la gestion des affaires politiques et sécuritaires, s'est considérablement équipée et professionnalisée. Derrière la façade de son chef d'état-major général, octogénaire, le général Ahmed Gaid Salah, et de quelques généraux à la retraite dont certains ont trempé dans des affaires financières (1), se profile une génération de quinquagénaires en charge des régions militaires et des principales unités opérationnelles. Ils espèrent ne jamais revivre l'expérience de la guerre civile et, bien qu'ils considèrent l'armée comme le pilier de l'État, ils ne souhaitent pas qu'elle devienne l'ennemie d'une société civile en quête de changements. Les exemples tunisien et égyptien démontrent, contrairement à ce que leurs aînés avaient cru en 1991, que la cohabitation est possible entre un gouvernement islamiste et l'armée. Il reste que si, en Algérie, l'ouverture du système politique doit signifier le retour des islamistes sur le devant de la scène, beaucoup n'y sont pas prêts. Ceux qui les ont combattus et ceux qui craignent de les combattre préfèrent maintenir le système clientéliste perfectionné par Abdelaziz Bouteflika. Depuis quelques années déjà, celui-ci est affaibli par la maladie. Hospitalisé en urgence à Paris en mai 2013, son état de santé suscite de nombreuses inquiétudes sur l'avenir de l'Algérie. Les journaux qui en parlent sont menacés d'interdiction de parution comme Mon journal et Djaridati. L'entourage du président est sérieusement attaqué et sa succession publiquement évoquée. De nombreuses voix s'élèvent pour demander que le Conseil constitutionnel applique l'article 88 de la Constitution et destitue le chef de l'État pour incapacité à gouverner. Dans cette perspective, ce serait Abdelkader Bensalah, 70 ans, président du Sénat, qui assumerait l'intérim dans l'attente d'une élection présidentielle anticipée. Mais un problème de taille se pose : selon la presse, Bensalah est d'origine marocaine et aurait été naturalisé en 1965. Or, pour accéder à la fonction suprême, il est nécessaire d'être né en Algérie. Les ennuis de santé du président Bouteflika remettent fortement en question le scénario de sa candidature en 2014 : son entourage devait annoncer des réformes constitutionnelles prévues durant le printemps arabe et faire campagne sur la transition démocratique afin de lui permettre d'être triomphalement réélu... Or sa maladie replonge l'Algérie dans l'incertitude et oriente à nouveau tous les regards vers l'armée, notamment vers le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) …