Algérie : l'après-Bouteflika a commencé

n° 140 - Été 2013

Restée à l'écart des révolutions arabes, l'Algérie est aujourd'hui considérée, avec son voisin et rival marocain, comme le pays le plus solide de la région. Le charme désuet de son modèle de république nationaliste et militaire ravit, par contraste, les diplomaties occidentales - des démocraties que l'irruption des « printemps arabes », avec leurs partis islamistes et leurs sociétés civiles, avait déstabilisées. Cette réhabilitation a coïncidé avec l'arrivée à la présidence d'Abdelaziz Bouteflika (1999) après dix ans d'une guerre civile meurtrière et de pouvoir militaire (1991-1999). Fortement décriés pour leurs violations massives des droits de l'homme durant la guerre civile, les généraux ont appliqué l'art du camouflage et disparu des écrans médiatiques. Au cours de ces dix dernières années, l'armée algérienne, déchargée de la gestion des affaires politiques et sécuritaires, s'est considérablement équipée et professionnalisée. Derrière la façade de son chef d'état-major général, octogénaire, le général Ahmed Gaid Salah, et de quelques généraux à la retraite dont certains ont trempé dans des affaires financières (1), se profile une génération de quinquagénaires en charge des régions militaires et des principales unités opérationnelles. Ils espèrent ne jamais revivre l'expérience de la guerre civile et, bien qu'ils considèrent l'armée comme le pilier de l'État, ils ne souhaitent pas qu'elle devienne l'ennemie d'une société civile en quête de changements. Les exemples tunisien et égyptien démontrent, contrairement à ce que leurs aînés avaient cru en 1991, que la cohabitation est possible entre un gouvernement islamiste et l'armée. Il reste que si, en Algérie, l'ouverture du système politique doit signifier le retour des islamistes sur le devant de la scène, beaucoup n'y sont pas prêts. Ceux qui les ont combattus et ceux qui craignent de les combattre préfèrent maintenir le système clientéliste perfectionné par Abdelaziz Bouteflika. Depuis quelques années déjà, celui-ci est affaibli par la maladie. Hospitalisé en urgence à Paris en mai 2013, son état de santé suscite de nombreuses inquiétudes sur l'avenir de l'Algérie. Les journaux qui en parlent sont menacés d'interdiction de parution comme Mon journal et Djaridati. L'entourage du président est sérieusement attaqué et sa succession publiquement évoquée. De nombreuses voix s'élèvent pour demander que le Conseil constitutionnel applique l'article 88 de la Constitution et destitue le chef de l'État pour incapacité à gouverner. Dans cette perspective, ce serait Abdelkader Bensalah, 70 ans, président du Sénat, qui assumerait l'intérim dans l'attente d'une élection présidentielle anticipée. Mais un problème de taille se pose : selon la presse, Bensalah est d'origine marocaine et aurait été naturalisé en 1965. Or, pour accéder à la fonction suprême, il est nécessaire d'être né en Algérie. Les ennuis de santé du président Bouteflika remettent fortement en question le scénario de sa candidature en 2014 : son entourage devait annoncer des réformes constitutionnelles prévues durant le printemps arabe et faire campagne sur la transition démocratique afin de lui permettre d'être triomphalement réélu... Or sa maladie replonge l'Algérie dans l'incertitude et oriente à nouveau tous les regards vers l'armée, notamment vers le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) …

Sommaire

Changer le futur

Entretien avec Al Gore par Dan Raviv

Un stratège à la manœuvre

Entretien avec Stanley McChrystal par Brigitte Adès

Afghanistan : une sortie de guerre aléatoire

par Jean-Charles Jauffret

Le monde vu des coulisses

Entretien avec Claude Guéant par Alexandre Del Valle et Patrick Wajsman

Dubaï face aux printemps arabes

Entretien avec Dahi Khalfan Tamim par Loulouwa Al Rachid

Le verrou jordanien

par Laurent Zecchini

Minorités syriennes : entre le marteau et l'enclume

par Christophe Chiclet

Algérie : l'après-Bouteflika a commencé

par Luis Martinez

Maroc : les paris du roi

par Pierre Vermeren

FIN DE PARTIE POUR LES TRAVAILLISTES AUSTRALIENS ?

par Xavier Pons

COREE DU SUD : UNE FEMME AUX COMMANDES

Entretien avec Park Geun-Hye par Pascal Dayez-Burgeon

DEDIABOLISER LA COREE DU NORD ?

par Pascal Dayez-Burgeon

EUROPE : L'ELARGISSEMENT, JUSQU'OU ?

par Yves Gounin

Le 28e membre du club

par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin

CROATIE : LA PROMESSE EUROPEENNE

Entretien avec Ivo Josipovic par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin

PAYS-BAS : LE RETOUR AU CONSENSUS ?

par Jean-Pierre Stroobants

ROUMANIE : SORTIR DU POST-COMMUNISME

Entretien avec Traian Basescu par Marc Semo

GEORGIE : LA FIN D'UNE EPOQUE ?

Entretien avec Bidzina Ivanichvili par Régis Genté

PERILS SUR L'INGOUCHIE

Entretien avec Iounous-Bek Evkourov par Galia Ackerman et Rosa Malsagova

Convoitises arctiques

par Caroline Morange

Groenland : l'Eldorado du Grand Nord

Entretien avec Aleqa Hammond par Alexis Rosenzweig