Ivo Josipovic, né en 1957, a mené au moins trois carrières différentes. Diplômé du Conservatoire de Zagreb, il est connu comme compositeur dont certaines pièces ont été primées sur la scène internationale ; par exemple, sa « Samba da camera », premier prix de l'Union européenne de radiotélévision en 1985. Tout en poursuivant son oeuvre musicale, Ivo Josipovic fut également professeur de droit à l'Université de Zagreb. Mais c'est sur la scène politique qu'il remportera ses plus brillants succès. Il adhère en 1980 à la Ligue des communistes de Croatie - un point de sa biographie dont il n'a jamais cherché à faire mystère - et participe, au début des années 1990, à la transformation de l'ancien parti unique. Il se met toutefois en congé de la politique de 1994 à 2003. Il est alors élu député du Parti social-démocrate (SDP), qui repasse cette année-là dans l'opposition. Candidat de son parti aux élections présidentielles du 27 décembre 2009, il est largement élu au second tour, le 10 janvier 2010, avec 60,2 % des voix, malgré un relatif déficit de notoriété publique. Le président croate a accompli des gestes d'ouverture très remarqués à l'égard de la communauté serbe de Croatie, notamment en participant aux commémorations annuelles du soulèvement antifasciste de 1941, dans le village de Srb, en Krajina - un haut lieu de mémoire des partisans de la Seconde Guerre mondiale. Il s'est également engagé dans la normalisation des relations croato-serbes avec son homologue Boris Tadic. La défaite de ce dernier aux élections de mai 2012 et l'accession à la présidence de Serbie d'un ancien nationaliste, Tomislav Nikolic, a provisoirement gelé le rapprochement entre les deux États voisins - un rapprochement qui a, par surcroît, pâti des sentences contradictoires prononcées par le Tribunal pénal international de La Haye (TPIY) : l'ancien général croate Ante Gotovina, initialement condamné à 24 années de prison le 15 avril 2011 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, a finalement été acquitté en appel le 16 novembre 2012. Ivo Josipovic a salué ce verdict d'acquittement, provoquant de vives réactions en Serbie... J.-A. D. et L. G.
Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin - Monsieur le Président, la Croatie a rejoint l'Union européenne le 1er juillet 2013. Pourtant, lors des premières élections européennes organisées le 14 avril dernier, la participation n'a pas dépassé 20 % des inscrits. L'Europe aurait-elle donc cessé de faire rêver les Croates ? Ivo Josipovic - Pas du tout ! Lors du référendum de janvier 2012, 66 % des électeurs ont voté en faveur de l'adhésion. Et chaque élection locale montre l'attachement des partis politiques et des citoyens au processus d'intégration. Mais il est vrai que la situation économique est difficile, ce qui entraîne certaines déceptions. Vous parliez de l'élection au Parlement européen : je tiens à souligner que la Croatie n'est pas le pays qui a connu la plus faible participation pour ce type de consultation. Bien sûr, nous espérons qu'elle sera plus importante lors des prochains scrutins... J.-A. D. et L. G. - La Croatie fait désormais partie d'une Union européenne en crise. Qu'attendez-vous de cette adhésion ? I. J. - L'Union européenne constitue une réponse à la mondialisation de l'économie. Il serait illusoire de penser qu'un petit État comme la Croatie puisse réussir dans cette compétition mondiale sans être intégré au sein du marché européen. L'intégration européenne est une condition sine qua non du développement de la Croatie ; c'est le gage de sa future prospérité. J.-A. D. et L. G. - La Grèce, l'Italie, le Portugal et l'Espagne traversent une passe économique et sociale très difficile. La Croatie ne va-t-elle pas grossir les rangs d'une « Europe du Sud » particulièrement exposée à la crise ? I. J. - L'économie croate ne compte pas parmi les plus puissantes de l'Union européenne, nous en sommes conscients. Cependant, à y regarder de près, plutôt que d'une crise de l'Union ne s'agit-il pas d'une crise de l'économie de chacun des États membres ? La situation serait bien pire si l'Union européenne n'existait pas. Dans quel état la Grèce serait-elle aujourd'hui si l'UE ne lui avait pas apporté son aide ? J.-A. D. et L. G. - La Croatie a-t-elle vocation à rejoindre la zone euro ? I. J. - Tout à fait. Dès que nous serons en mesure de remplir les conditions nécessaires, nous le ferons. Selon les avis des experts, nous pourrions être prêts d'ici trois à cinq ans. J.-A. D. et L. G. - En rejoignant l'Union européenne, vous quittez de facto la zone de libre-échange d'Europe centrale (CEFTA) (1). La Croatie ne va-t-elle pas y perdre ? I. J. - Dans un premier temps, c'est certain. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Toute chose a son prix. En négociant avec l'Union et nos voisins, nous allons essayer d'adoucir les conséquences de notre retrait du CEFTA, pour nous et pour nos partenaires. Nous devons réfléchir à préserver nos intérêts communs. À terme, l'adhésion de la Croatie permettra cependant de rapprocher de l'Union nos voisins d'Europe du Sud-Est et d'alléger les barrières douanières. J.-A. D. et …
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