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EUROPE : L'ELARGISSEMENT, JUSQU'OU ?

Le 1er juillet 2013, la Croatie a fait son entrée dans l'Union européenne. L'événement, pourtant historique, n'a guère retenu l'attention, y compris à Zagreb où il a été mollement célébré. Le référendum qui s'y était tenu le 22 janvier 2012 avait été caractérisé par un taux de participation étonnamment faible (43,51 % seulement) et une opposition significative (le « non » avait rassemblé 33,13 % des suffrages exprimés). Ce désintérêt tranche avec l'engouement qu'avaient manifesté les pays d'Europe centrale lors de leur adhésion en 2005 (ratifiée à une très large majorité, allant de 77,3 % en République tchèque jusqu'à 99,5 % en Slovaquie). Cet élargissement est également passé quasiment inaperçu dans le reste de l'Union européenne. Le traité d'adhésion de la Croatie, signé le 9 décembre 2011 à Bruxelles, a été ratifié par voie parlementaire dans l'indifférence générale. La Slovénie voisine s'était montrée la plus réticente - en raison d'un obscur contentieux bancaire que les deux États traînaient depuis l'éclatement de l'ex-Yougoslavie -, illustrant par là un comportement assez répandu : les derniers entrants se montrent paradoxalement les plus réticents face aux candidats restés dans l'antichambre et s'empressent de leur claquer la porte au nez après avoir eux-mêmes franchi le seuil de l'accession. L'Union européenne compte désormais 28 États membres. On prend ici le pari que la plupart de nos concitoyens, si la question leur était posée, seraient bien en peine d'en donner le nombre exact ou d'en énumérer la liste sans se tromper. Et l'on ne poussera pas le vice jusqu'à les interroger sur la composition de la zone euro (17 membres depuis l'adhésion en 2011 de l'Estonie) ou de l'espace Schengen (26 membres depuis l'arrivée en 2011 du modeste Liechtenstein). Il faut leur reconnaître des circonstances atténuantes. Le processus d'élargissement de l'Union européenne a de quoi donner le tournis. En 1957, la Communauté économique européenne comptait six États fondateurs. Le nombre de ses membres est passé à neuf en 1973, dix en 1981, douze en 1986, quinze en 1995, vingt-cinq en 2004 et vingt-sept en 2007. Et le processus n'est pas près de s'arrêter. Cinq États ont le statut officiel de candidat : la Turquie, l'Islande, le Monténégro, la Macédoine et la Serbie. D'autres ambitionnent de l'obtenir bientôt (la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, le Kosovo, la Moldavie...), ce qui laisse augurer à terme une Europe à trente-cinq voire trente-six membres. Quel est le sens de cette course en avant ? Où s'arrêtera-t-elle ? À trop s'élargir, l'Union ne court-elle pas le risque de la dilution, compromettant ainsi le projet des Pères fondateurs inscrit au préambule du traité de Lisbonne d'une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » ? L'histoire d'une fuite en avant Ces questions ne sont pas nouvelles. Jamais depuis sa création l'Europe n'a connu de frontières stables. La Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), le projet de Communauté européenne de défense (CED), la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) comportaient les six mêmes États membres : …