Héritière d'une partie de l'Empire ottoman, la Syrie contemporaine (1) est une mosaïque de minorités : chrétiennes (Arméniens, Syriaques, Maronites, Grecs), musulmanes (Kurdes, Druzes, Turkmènes, Alaouites) (2) et juive (3). Dans le conflit qui oppose depuis plus de deux ans le régime de Bachar al Assad aux insurgés de l'Armée syrienne libre (ASL), ces minorités sont sommées de choisir leur camp, non sans difficultés.
Les chrétiens, qui étaient reconnus et protégés par le pouvoir en place, préfèrent quitter le pays lorsqu'ils en ont les moyens. Ceux qui restent sont désormais la cible de l'ASL et surtout du groupe salafiste Jabhat al Nosra, fondé en décembre 2011 et qui représente environ 20 % des combattants de l'opposition. Au printemps 2013, il a fusionné avec ses militants venus d'Irak pour prendre le nom d'« État islamique d'Irak et du Levant ». Les Druzes, longtemps proches du pouvoir, sont passés à une neutralité qui les éloigne de plus en plus de Damas mais se tiennent à l'écart de l'ASL. Les Turkmènes, bras armé d'Ankara, ont rejoint en masse les milices de l'ASL. Ils s'en prennent spécialement aux Alaouites et aux Syro-Arméniens. Quant aux Kurdes, ils ont proclamé leur autonomie et se battent aussi bien contre l'ASL que contre les forces de Bachar al Assad.
Bref, les minorités peuvent être classées en trois catégories : les farouchement anti-Assad (Turkmènes et Kurdes) ; les neutres qui ont abandonné le maître de Damas sans pour autant rallier l'opposition (Druzes, Arméniens, Syriaques) ; et les derniers (relativement) fidèles (Maronites), qui restent attachés au régime de Bachar pour des raisons liées à la situation au Liban.
Après deux ans de combats sans merci, plus de 100 000 morts, 1,1 million de réfugiés dans les pays limitrophes (chiffres HCR, avril 2013) et 2 millions de déplacés à l'intérieur du pays, le conflit s'enlise, sans vainqueurs ni vaincus. En l'état actuel du rapport des forces, aucun des deux camps ne peut l'emporter sans une aide massive de l'extérieur. Le scénario de l'implosion, avec une zone kurde totalement autonome et un djebel alaouite transformé en bastion de l'ancien régime, n'est plus totalement improbable. En tout cas, quelle que soit l'issue de cette guerre, les règlements de comptes risquent d'être particulièrement sanglants.
Les Turkmènes, un allié précieux pour Ankara
Islamisées au Xe siècle, les tribus turkmènes se répartissent aujourd'hui entre le Turkménistan (intégré à l'URSS en 1924, indépendant en octobre 1991), l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Daghestan, l'Afghanistan, l'Iran, la Turquie (200 000 personnes) et la Syrie (120 000 personnes).
Dans les années 1930, les kémalistes instrumentalisent la question turkmène pour revendiquer puis récupérer le sandjak d'Alexandrette (ou Hatay). Au lendemain de la Première Guerre mondiale, ce territoire ottoman est rattaché à la Syrie sous mandat français, au grand dam de la Turquie qui le considère comme sien, bien que les turcophones ne constituent qu'un tiers de la population. La Troisième République, qui souhaite empêcher un rapprochement entre Ankara et Berlin, laisse la Société des nations organiser un référendum en mai 1937. Quelques …
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