Les Néerlandais le disaient, et ils y croyaient : leur petit pays de 16,7 millions d'âmes était pour l'Europe, voire pour le monde, un « Gidsland » - un « pays guide ». C'était avant le tournant du XXIe siècle. Avant La Tentation populiste décrite par Christophe De Voogd (1) et la montée simultanée des extrêmes : à droite avec la Liste Pim Fortuyn, puis le Parti pour la liberté (PVV) de l'ancien libéral Geert Wilders ; à gauche avec les performances (2) - en dents de scie - du Socialistische Partij (SP), une formation aux lointaines racines maoïstes, protestataire et antieuropéenne que les Français seraient tentés de comparer au Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Le « pays guide », c'était aussi avant un double traumatisme : l'assassinat du tribun populiste de Rotterdam, Pim Fortuyn, en 2002, par un militant de la cause environnementale ; et celui d'un célèbre satiriste, Theo Van Gogh, en 2004, poignardé en pleine rue, à Amsterdam, par un jeune islamiste d'origine marocaine. Ce choc considérable fut le prélude à des débats enflammés sur l'immigration, les rapports d'une société moderne avec l'islam, le multiculturalisme et l'avenir du modèle social. Le « pays guide », c'était encore avant que cet État au coeur de la construction européenne rejette, en 2005, juste après la France, le projet de traité constitutionnel. Avant, enfin, que la solide démocratie néerlandaise offre soudain l'image d'un royaume fractionné, tiré à hue et à dia entre populismes de gauche et de droite tandis que les forces politiques traditionnelles, « piliers » d'un système longtemps consensuel, étaient en proie au doute, ne parvenant plus à élaborer un discours cohérent sur l'Europe et sur la place des Pays-Bas en son sein. Élections 2012 : les leçons du scrutin À l'issue de cette étonnante décennie qui paraît avoir épuisé jusqu'à la reine Beatrix (laquelle a abdiqué le 30 avril au profit de son fils aîné, Willem Alexander), le pays semble pourtant respirer. Le scrutin anticipé organisé le 12 septembre 2012 était présenté comme une épreuve à haut risque pour le premier ministre libéral sortant, Mark Rutte, chef de file du Parti populaire libéral et démocrate (VVD). Submergés par le « chagrijn », qui n'est pas de la tristesse mais plutôt une sourde rancoeur, les Néerlandais en voulaient à une classe politique qui leur imposait une cinquième élection en dix ans et qui semblait incapable de former un rempart contre la crise et l'effritement de leur modèle social. Profondément imprégnés de l'esprit entrepreneurial anglo-saxon, les Pays-Bas vivent très mal la récession qui les mine depuis 2009. Après un bref intermède, la fin de 2010 a marqué un recul du produit intérieur, une chute de la consommation et une stagnation du marché immobilier. Ce dernier est, en réalité, prisonnier d'une bulle spéculative qui n'a pas encore éclaté mais qui pourrait bien, le jour venu, mettre à mal l'ambitieuse économie d'un pays qui, longtemps, s'est cru à l'abri des tumultes. Force et faiblesse de l'économie nationale, les exportations ont, …
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