Entretien avec Pedro Passos Coelho, premier ministre du Portugal depuis le 15 juin 2011, par Michel Faure, Grand reporter à L'Express
Michel Faure - Deux ans après la signature d'un accord de sauvetage de 78 milliards d'euros avec le FMI, la BCE et l'Union européenne, la crise économique est toujours prégnante ; et, cet été, vous avez traversé une autre crise, politique celle-là, qui a mis votre gouvernement en péril. Quelles leçons tirez-vous de cette situation ?
Pedro Passos Coelho - Je crois que les temps difficiles que nous venons de traverser ont permis aux Portugais de comprendre toute l'importance de la stabilité politique. Celle-ci serait menacée si la coalition que mon parti, le PDS, forme avec son allié, le CDS-PP, venait à prendre fin. Or, au vu de l'urgence financière, ce n'est certainement pas le moment d'ajouter dans le tableau portugais un nouvel élément de crise, de nature politique !
M. F. - Et maintenant, où en est-on ?
P. P. C. - Nous avons ouvert un nouveau cycle de consolidation budgétaire et nous continuons à avancer, avec le gouvernement, vers le même objectif : la conclusion, à la date prévue, c'est-à-dire en juin 2014, du programme d'assistance financière conclu avec la troïka, afin de pouvoir récupérer notre autonomie et retourner sur les marchés pour nous financer.
M. F. - Mais, jusqu'à présent, vous n'avez pas encore réussi à atteindre les objectifs de ce programme d'assistance. Malgré vos réformes et vos efforts, le redressement n'a pas été aussi rapide que prévu...
P. P. C. - J'ai dit que nous espérions sortir du programme de la troïka en juin de l'année prochaine ; je n'ai pas dit que nous en aurons alors fini avec l'ajustement. Nous allons devoir continuer, pendant quelques années encore, de vivre avec un très haut niveau de dette. C'est pourquoi notre détermination à contrôler nos finances publiques ne doit pas faiblir. La réalité, c'est que nous devons respecter les règles de l'accord avec la troïka, nous devons respecter les règles de la zone euro et nous devons maintenir nos finances sous contrôle, ce qui signifie qu'il faut changer nos politiques publiques, ce que nous faisons.
M. F. - Le Portugal doit donc se résoudre à vivre encore de longues années dans l'austérité...
P. P. C. - Je veux être très clair : nous n'avons pas pris la décision de conduire une politique d'austérité. Elle s'est imposée à nous parce que nous avons eu le courage d'affronter la réalité.
M. F. - La crise politique de cet été a été déclenchée par la démission du ministre des Finances, Vitor Gaspar. Il a expliqué que la politique du gouvernement était devenue trop dure pour les gens et n'avait plus le soutien de l'opinion publique. On dit qu'il a été très choqué d'avoir été verbalement agressé dans la rue ; un passant aurait même craché dans sa direction...
P. P. C. - Vous savez, on a écrit dans les journaux des choses incroyables ces derniers temps... Je ne vais pas commenter les raisons du départ de M. Gaspar. Je crois seulement qu'il a jugé que la politique d'ajustement budgétaire et fiscal était en passe de devenir trop impopulaire. Mais cette politique d'ajustement, c'est la mienne. Alors, il faut le dire franchement : on peut changer le ministre, mais on ne changera pas de politique. Il n'en est pas question.
Quant à la crise au sein de la coalition gouvernementale, ce n'était pas la première fois qu'il y a eu des tensions entre nous... J'espère que ce sera le dernier esclandre de cette ampleur. Permettez-moi de vous rappeler une vérité générale : tous les gouvernements de coalition ont des problèmes. Nous avons discuté des nôtres et nous les avons réglés. Nous sommes arrivés à une solution que mon partenaire de coalition, Paulo Portas, a jugé équilibrée. Il considérait qu'il n'avait pas, au sein de notre gouvernement, le rôle de premier plan qu'il méritait. Le problème a été résolu parce que je l'ai nommé vice-premier ministre. Maintenant, il ne peut plus dire que sa position est sans importance !
M. F. - Mais cette politique qui est la vôtre et qu'on ne peut pas changer, dites-vous, ne vous a pas permis de tenir vos engagements envers la troïka. Lors de notre premier entretien, peu après votre élection, vous disiez vouloir aller plus vite que ne le prévoyait l'accord ; or, aujourd'hui, on ne peut que constater que vous allez plus lentement !
P. P. C. - Je ne le conteste pas ; mais distinguons les objectifs quantitatifs et les objectifs fondamentaux. Ces objectifs fondamentaux, quels sont-ils ? La correction du déficit du commerce extérieur ; la poursuite de la consolidation budgétaire ; la mise en place d'un programme qui rendra l'économie portugaise plus compétitive ; et l'ouverture de notre économie. Nous nous rapprochons, graduellement, de tous ces objectifs fondamentaux. Quant aux objectifs quantitatifs, il est vrai qu'ils ont changé avec le temps. La troïka estimait que le déficit budgétaire s'établirait à 5,9 % en 2011, et il a atteint 8,2 %. J'ai pris mes fonctions en juin 2011 ; j'ai donc commencé à travailler avec un déficit de 8,2 %. En 2012, il était évident qu'il fallait revoir les prévisions et les échéances.
M. F. - Si vous le permettez, je rappelle ces prévisions pour nos lecteurs. La troïka avait donc prévu, au départ, un déficit de 5,9 % en 2011, de 4,5 % en 2012 et de 3 % en 2013. Après deux assouplissements du programme, vous espérez atteindre cette année non pas 3 % mais 5,5 %, puis 4 % en 2014 et, enfin, passer sous la barre des 3 % en 2015.
P. P. C. - C'est exact. Les premières prévisions n'étaient pas réalisables. Nous avons donc travaillé avec la troïka et obtenu deux révisions des chiffres du calendrier originel, en septembre 2012 et en mars 2013. Ces deux assouplissements ont été décidés au vu d'informations précises et correctes.
M. F. - Concrètement, qu'avez-vous accompli depuis votre arrivée au pouvoir ?
P. P. C. - Nous avons réduit de six points le déficit budgétaire primaire (c'est-à-dire le déficit moins …
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