Politique Internationale - Quelles sont les régions du monde les plus démunies en matière de réseaux électriques ? Lionel Taccoen - La pauvreté sur le plan des réseaux électriques est indissociable de la pénurie des moyens de production. Au quotidien, cette situation se traduit par des coupures de courant, plus ou moins longues et de durée aléatoire, tout au long de l'année. Des populations perdent ainsi leur alimentation sans préavis pour un temps indéfini. Dans certains cas, ces interruptions peuvent se prolonger des mois, voire des années. Parallèlement, il y a des millions de personnes qui n'ont tout simplement pas accès au réseau, et qui vivent donc sans électricité. On estime que ce manque absolu touche aujourd'hui 1,2 milliard d'êtres humains dans le monde. Deux régions sont particulièrement sinistrées - l'Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) et quelques États d'Asie centrale - auxquelles s'ajoutent des zones significatives de l'Inde et du Pakistan. Le cas de l'Afrique subsaharienne renvoie à un monde complètement inconnu : en 2011, ses 750 millions d'habitants ne consommaient pas plus d'électricité que les 80 millions d'Égyptiens ou les 38 millions de Polonais. L'ensemble de la consommation par habitant dans cette région se chiffre tout juste à quelques pour-cent de la consommation française. Il s'agit vraiment d'un univers à part. P. I. - Global Electrification, l'ONG à laquelle vous appartenez, s'est penchée sur l'impact de cette pénurie d'énergie sur les populations africaines. Quels sont les grands enseignements à tirer de vos travaux ? L. T. - L'étude de Global Electrification, menée pour le compte du Parlement européen, était ciblée plus spécifiquement sur les conséquences pour les hôpitaux, les cliniques et l'ensemble des centres de santé. Nos conclusions parlent d'elles-mêmes : chaque année, un à deux millions de décès sont directement liés à la pénurie d'électricité. Cette mortalité supplémentaire résulte de l'absence totale de courant ou de l'incapacité à pallier les coupures aléatoires par manque de groupes électrogènes : il est impossible de placer les prématurés en couveuse ; de même, on accouche dans le noir et on opère à la lampe tempête. Des conditions inimaginables pour quiconque vit dans un pays développé. Je me souviens d'avoir entendu sur les ondes de Radio Okapi, l'une des radios de Kinshasa, un patient étendu sur son lit d'hôpital criant son désespoir : « Je risque de mourir... si le courant n'est pas rétabli. » Les populations acceptent de plus en plus mal cette situation, et les émeutes pour l'électricité sont devenues fréquentes. Parfois, ces protestations virent au drame : en novembre 2007, des lycéens ont été tués à Kumba (Cameroun) après s'être insurgés contre une coupure qui touchait leur établissement depuis plusieurs mois. P. I. - Peut-on espérer un développement économique en l'état ? L. T. - Dans les villes, la pénurie d'électricité prive les populations d'eau, car les pompes sont généralement électriques. Sans eau et sans électricité, la moindre tentative de développement est vouée à l'échec. En Tanzanie, par exemple, où seulement 14 % de la population est alimentée …
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