Les Grands de ce monde s'expriment dans

Les Balkans et l'Union européenne : un éternel rendez-vous manqué ?

En cette année 2014, les Balkans et l'Europe se trouvent, plus que jamais, dans une situation bien paradoxale. En effet, alors que la Croatie a rejoint l'Union européenne le 1er juillet 2013, les élites politiques et économiques de la région communient dans le même enthousiasme « pro-européen ». En Albanie comme en Macédoine, au Kosovo ou au Monténégro, majorités et oppositions partagent toutes, désormais, ce même objectif stratégique. L'évolution la plus spectaculaire s'est produite en Serbie, où le Parti progressiste serbe (SNS) du premier ministre Aleksandar Vucic, hier contempteur farouche de l'Union européenne, en est devenu le plus fervent partisan... Pourtant, cette « ombre insaisissable » de l'intégration européenne semble toujours hors de portée des pays de la zone - non plus tant, désormais, à cause de leur manque de coopération avec la justice internationale ou de leurs réformes inachevées qu'en raison de la crise de l'UE elle-même.
Depuis que sont retombés les flonflons de la morne fête de Zagreb qui marqua sans faste l'entrée du pays dans l'Union le soir du 30 juin 2013, l'enthousiasme n'est plus de mise. Désormais, le discours dominant des dirigeants européens évoque moins l'« élargissement » que l'« approfondissement » de la construction européenne. On peut le comprendre : de la Hongrie à la Roumanie, l'intégration des « valeurs européennes » par les nouveaux membres paraît incertaine tandis que les économies de certains membres plus anciens vacillent, du Portugal à la Grèce. Et ce ne sont pas les résultats des élections européennes de mai 2014 qui vont redonner un nouvel élan à un projet intégrateur. Il est peu probable que la nouvelle commission fasse de l'élargissement sa priorité stratégique - et même si tel était le cas, certains puissants États membres pourraient toujours s'y opposer en arguant de l'état de leurs opinions intérieures. Il n'en demeure pas moins que depuis le sommet de Thessalonique (juin 2003), les pays des « Balkans occidentaux » ont toujours une « vocation » théoriquement garantie à rejoindre, un jour, l'Union...
Dans ces paradoxaux Balkans de 2014, où tout le monde est devenu « pro-européen » - même les pires profiteurs de guerre, les plus intransigeants nationalistes d'hier ou d'avant-hier, bref, les plus redoutables chefs cannibales des années passées -, que signifie donc cette évolution ? À quoi cette « européanisation » tellement consensuelle est-elle due ? Que révèle-t-elle, tant sur les Balkans que sur l'Union européenne ?


Tous « pro-européens » ?


En réalité, dans ce virage pro-européen, les élites politiques ont été précédées par les élites économiques, au premier rang desquelles les « oligarques » serbes ou croates, dont les fortunes trouvent toutes leur origine dans les « mystères » des années 1990, dans les trafics et les profits de guerre. Ces oligarques ont amorcé, dès le tournant des années 2000, une longue et difficile opération de blanchiment de leurs avoirs, qui suppose de faire revenir les capitaux placés dans les fonds douteux de quelques paradis fiscaux vers les économies réelles des pays de la région. Il …