Les Grands de ce monde s'expriment dans

La guerre cachée du Kremlin contre l'Europe

« Vous avez l'Amérique du Nord et celle du Sud, vous avez l'Afrique et l'Asie. Vous pourriez au moins nous laisser l'Europe » (Vladimir Poutine à Bill Clinton en novembre 1999) (1).
« Oubliez l'intangibilité des frontières. Pour tout empire les frontières sont flottantes, on peut et on doit les déplacer. Plus on contrôle d'espace, moins on risque de se faire bouffer par d'autres » (Alexandre Prokhanov) (2).
« Il y a encore de nombreuses terres à réunir sous le drapeau russe » (Vladimir Soloviev) (3).


Une ambition de puissance qui ne date pas d'hier


En 1945-1946, au fur et à mesure que Staline révélait de plus en plus ouvertement son intention de soviétiser les pays d'Europe centrale et orientale occupés par l'Armée rouge, en violation des engagements de Yalta, les Occidentaux oscillaient entre deux interprétations du comportement soviétique. Pour les uns, le dictateur du Kremlin agissait de la sorte à cause du traumatisme qu'avait constitué l'attaque allemande qui, pensait-on, avait provoqué chez lui un profond sentiment d'insécurité. Afin de le ramener à de meilleures dispositions, il convenait de le rassurer, de donner des garanties de sécurité à l'URSS. Mais pour un deuxième groupe d'experts, l'URSS était intrinsèquement expansionniste en raison de son idéologie et son avancée en Europe devait être stoppée. Cette dernière analyse finit par l'emporter. Ce fut le début de la politique d'endiguement et, heureusement pour l'Europe occidentale, de la guerre froide, grâce à laquelle les Européens de l'Ouest préservèrent leur liberté.
Aujourd'hui, un débat similaire divise les experts et les décideurs face au comportement de plus en plus ouvertement agressif et provocateur qu'affiche la Russie. Selon nombre d'observateurs, les Occidentaux sont les premiers responsables de la fâcheuse évolution du Kremlin. Ils ont humilié la Russie en faisant tomber le communisme, en rapprochant l'Otan de ses frontières, en intervenant en Yougoslavie, en Irak, en Libye, etc. La liste des griefs russes ne cesse de croître et d'embellir. La Russie demande seulement qu'on « la respecte » et qu'on « prenne en compte ses intérêts nationaux » : si ces conditions sont remplies, tout ira bien !
Ce point de vue était largement majoritaire jusqu'aux récents événements ukrainiens. Il était activement encouragé par les propagandistes du Kremlin - un peu comme, dans les années 1930, Hitler et ses diplomates ne cessaient de mettre en avant l'« humiliation du traité de Versailles » pour paralyser la volonté de résistance des puissances occidentales. Cette vision des choses se trouve à l'origine des erreurs de la politique occidentale dont nous payons le prix aujourd'hui. En effet, elle ne résiste guère à l'examen des faits. En 1994-1995, on attribue le nationalisme croissant de la politique russe aux bombardements des Serbes par l'Otan ; à partir de 1997, on accuse l'élargissement de l'Otan ; en 1999, la guerre du Kosovo. Tous ces raisonnements reposent sur le présupposé que l'évolution de la Russie est déterminée par des facteurs externes, qu'elle se produit en réaction à des pressions ou à des initiatives venant de l'extérieur. …