Construction et activités navales : les perspectives export d'une industrie de pointe

Dossiers spéciaux : n°156 : La croissance bleue

La « maritimisation » de l'économie est une tendance forte et créatrice d'importantes opportunités de développement pour l'industrie dans son ensemble. Les mers et les océans sont, en effet, un espace de croissance pour l'économie mondiale aujourd'hui confrontée à la raréfaction des ressources terrestres, à une pression foncière en hausse dans des zones littorales souvent surpeuplées et à des exigences de sécurité de plus en plus élevées pour les activités industrielles.

L'espace maritime offre une opportunité véritablement exceptionnelle pour répondre à une demande croissante en énergies ainsi qu'en ressources biologiques et minérales. L'industrie navale contribue au maintien de la souveraineté de la France dans son domaine maritime, le deuxième au monde avec plus de 11 millions de km2. Le GICAN agit pour que les industries navales françaises prennent une place de premier rang dans cette évolution globale.

Le GICAN, Groupement des industries de construction et activités navales, fédère plus de 180 industriels de la filière maritime française. Il a vocation à réunir les chantiers navals, systémiers, équipementiers, sous-traitants, les sociétés d'ingénierie, les architectes navals et toutes les entreprises qui concourent à la construction navale civile et à ses équipements, à la construction navale de défense, de sûreté et de sécurité, aux énergies marines renouvelables (EMR), à la valorisation et à la protection des océans et aux infrastructures côtières et portuaires. Pour autant, le GICAN est trop peu connu à l'international en tant que fédérateur de la filière.

Le rôle du GICAN

Interlocuteur naturel et reconnu du ministère des Armées, du ministère de l'Économie et du ministère de la Transition énergétique et solidaire, ainsi que du secrétariat général de la mer, ce Groupement défend les intérêts de ses membres auprès de l'État et des institutions européennes. Il promeut leur savoir-faire à l'international, à travers l'animation d'un réseau de membres dynamiques, dont la vitalité s'expose à travers le monde dans les pavillons France, et au cours des salons Euronaval et Euromaritime qu'il organise en France.

L'industrie navale est essentiellement cyclique, et il appartient à la filière de s'organiser pour éviter lors des creux de cycles des pertes de compétences industrielles susceptibles d'entraîner une perte d'autonomie stratégique. C'est ainsi qu'un important travail de cartographie et de soutien aux entreprises du secteur a été réalisé au GICAN, dans le cadre d'Océans 21 ; financé par les Investissements d'avenir, et soutenu par les régions maritimes françaises, ce programme visait au renforcement de la compétitivité de la filière navale française.

Depuis quelques années, la filière subit une baisse de la commande publique mais bénéficie, en revanche, d'une activité record dans la construction de paquebots et d'un bon niveau de commandes de naval de défense à l'international. Certes, ce haut de cycle permet une pérennisation des compétences, mais après cette période faste viendra inéluctablement une période de faible activité. Cette perspective impose à la filière de travailler à une véritable diversification.

Dans le secteur du naval de défense, les entreprises françaises savent pouvoir compter sur le GICAN pour le suivi attentif et la préparation des programmes (FTI, BATSIMAR, le prochain porte-avions, les SNLE3G, AVISMAR), pour le développement des technologies de la cyber-sécurité ou des drones navals et pour faire en sorte que les « 2 % » de part du PIB envisagés pour la défense profitent à la filière. Une des questions premières sera l'augmentation de la part du naval de défense dans les Programmes d'étude amont (PEA) dont le budget devrait être porté à 1 milliard d'euros par an.

L'industrie navale française est aussi un employeur majeur. La filière navale est géographiquement éclatée et très variée dans les domaines d'activité de ses membres. Elle est cependant mobilisée autour de la production d'unités qui comptent parmi les réalisations humaines les plus complexes (sous-marins nucléaires, paquebots...). La construction navale génère 42 000 emplois directs qui maillent notre territoire et au moins autant d'emplois indirects.

Il n'est, en outre, pas de filière pérenne sans formation. Des initiatives ponctuelles et isolées existent ; elles doivent être relayées par des dynamiques plus fédératrices, en lien avec les territoires, en faveur de la formation professionnelle des jeunes et pour la reconnaissance de compétences spécifiques à l'industrie navale.

C'est en se positionnant résolument sur les secteurs des navires les plus technologiquement avancés que la construction navale française a réussi à se maintenir au 6e rang mondial. Cette avance technologique nécessite un effort permanent d'innovation, notamment pour garantir la supériorité technologique de nos produits et services et participer à la protection des intérêts français.

C'est dans ce cadre que le GICAN a lancé une vaste étude sur le numérique qui doit bénéficier à toutes les entreprises de la filière et, en particulier, aux PME.

Le Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN), créé sur la base des engagements retenus dans le Livre bleu issu du Grenelle de la mer, est co-présidé par le ministre de la Transition énergétique et solidaire et le ministre de l'Économie. Le président du GICAN en assure la vice-présidence. Le CORICAN regroupe l'ensemble des représentants de la filière navale française : acteurs publics (État, collectivités locales), ONG, syndicats, entreprises. Il se fixe pour objectif de contribuer, sur le plan de la recherche, du développement et de l'innovation, à la définition et à la promotion d'un « Navire du futur », « propre, économe, sûr et intelligent ». De ce fait, il couvre toutes les industries regroupées au sein du Comité stratégique de filière (CSF Naval), celles du GICAN mais aussi celles d'EVOLEN pour l'offshore, du SER pour les énergies marines renouvelables et de la FIN pour le nautisme.

Les travaux de recherche et d'innovation relevant de la stratégie portée par le CORICAN doivent contribuer au développement de l'activité industrielle, et donc de l'emploi en France. Ils tiennent compte des initiatives nationales, ainsi que des programmes portés par l'Union européenne, car, là encore, la dynamique internationale est essentielle. La filière demande, à ce titre, aux ministères concernés de permettre une organisation optimale en accordant l'attention requise à ce secteur.

L'effort gouvernemental s'intègre aujourd'hui dans une démarche plus large, qui englobe le public et le privé, et qui a abouti à la mise en place du Comité France maritime (CFM). L'objectif est de renforcer la coopération entre les filières maritimes constituées au sein du Cluster maritime français, d'une part, et les pouvoirs publics, d'autre part. La création du CFM, à la demande du président de la République François Hollande, dans son discours prononcé à La Rochelle lors des Assises de l'économie de la mer, le 8 novembre 2016, est un signal fort, symbole du volontarisme gouvernemental en matière maritime, au contact des entreprises.

Les relais de la filière sont également européens, en particulier à travers Sea Europe, association européenne des constructeurs de navires ; le GICAN démontre, par sa forte implication au sein de Sea Europe, son ambition nationale à Bruxelles. L'anticipation réglementaire, la prise de position quant à notre environnement économique et de recherches, le lobbying constituent autant de priorités pour les industries maritimes, qui justifient une présence efficace à l'échelle européenne.

Le défi pour le GICAN, comme pour les autres organisations professionnelles impliquées dans le maritime, est aujourd'hui d'améliorer l'offre de services collaboratifs et de mieux s'unir au sein d'une filière. C'est en s'engageant individuellement à promouvoir l'action collective que la filière progressera. Une illustration européenne de cette réalité est, par exemple, le projet de Fonds européen d'investissement de la défense.

L'industrie navale doit progresser sur la voie de cette ambition fédératrice car la question cardinale est bien celle de la structuration de la filière des industries maritimes au sein de l'ensemble de l'économie maritime française et européenne, afin d'être plus visible à l'international.

Les différents postes diplomatiques doivent aider le GICAN, d'une part, à promouvoir la filière navale et, d'autre part, à favoriser la connaissance des marchés pour imposer l'excellence française en matière navale. La dynamique de la filière navale française est aujourd'hui encore trop peu connue à l'international. Seules la reconnaissance internationale des savoir-faire et la capacité des industries navales à avancer ensemble permettront de pérenniser une offre industrielle novatrice.

Le GICAN veut être le bras armé d'une ambition internationale forte pour la filière. Près de 15 % des activités concourant à l'économie maritime sont apparues dans les dix dernières années, et la taille de cette économie maritime devrait doubler d'ici à 2030. La maritimisation de l'économie mondiale est bien une réalité qui représente une opportunité pour tous les adhérents du GICAN, pour toutes les industries navales en mouvement.

Les technologies de la construction navale ont commencé à s'appliquer aux autres domaines de l'activité maritime, dès maintenant aux EMR et aux infrastructures côtières ou offshore, demain à l'exploitation des ressources minières ou biologiques. La valorisation à l'international de ce savoir-faire inédit dans l'histoire des industries navales nationales ouvre des perspectives de développement et d'emploi en France. Il appartient au plus grand nombre, dans une logique de filière, de le savoir et de le faire savoir.