- Avec quel pays la France a-t-elle la plus longue frontière terrestre ?
- Le Brésil bien sûr !... Mais est-ce vraiment une évidence ?
- Quel secteur économique français est supérieur en emplois et en chiffre d'affaires à celui de l'automobile ou de l'aéronautique ?
- Le secteur maritime bien sûr !... Vous le saviez ?
On pourrait multiplier ainsi les questions et les réponses, dont certaines ne vont pas de soi.
Oui, la France est une grande nation maritime. Mon expérience des choses de la mer m'incline à penser, avec nombre d'autres dirigeants du secteur, que les décideurs politiques ou économiques n'ont pas encore pleinement conscience des potentialités maritimes de notre pays à l'aube du XXIe siècle.
C'est pourquoi, avec Patrick Wajsman et la revue Politique Internationale, nous avons voulu souligner l'importance de la mer et de l'océan pour la France et son avenir.
Au fil des chapitres de ce cahier, les plus grands acteurs maritimes français vont vous présenter les atouts et les enjeux de leurs activités. Gageons que, comme moi, une fois la dernière page de ce numéro de Politique Internationale tournée, vous serez convaincu que « la mer est l'avenir de la France ».
En guise de prélude à ce voyage sur l'océan et les mers françaises, je souhaite vous exposer les 20 raisons qui feront qu'en 2030 l'économie maritime française sera LE moteur de l'économie de notre pays.
Le Facteur 20
Depuis plus de 10 ans, les constats sont faits, et de nombreux rapports le démontrent : durant les prochaines décennies, les perspectives de croissance de l'économie maritime au plan mondial sont très significatives. On notera, en particulier, le rapport publié par l'OCDE en mai 2016. L'économie maritime, incluant tous les domaines d'activité liés à la mer, aura doublé d'ici 15 ans passant de 1 500 milliards de dollars par an en 2016 à 3 000 milliards de dollars par an en 2030. Ainsi, et à n'en pas douter, l'économie maritime mondiale sera le moteur de la croissance, d'un développement durable, que l'on nomme la Croissance bleue !
Pour s'en convaincre, il suffit de regarder autour de nous sur la planète. Certains pays, conscients des énormes enjeux du développement de l'économie maritime, ont déjà défini des stratégies ambitieuses. Des sommes considérables y sont investies et des organisations spécifiques y sont dédiées.
Pour être au rendez-vous de cette Croissance bleue, pour doubler d'ici à 2030 le poids de son économie maritime et atteindre 1 million d'emplois directs et 150 milliards d'euros de chiffre d'affaires, l'archipel France doit sans tarder se mettre « en marche ». Nous possédons tous les atouts pour y parvenir pourvu que, à l'image de nombre de nos voisins maritimes, nous sachions nous organiser, définir un cap et une méthode grâce au « Facteur 20 ».
L'économie maritime française est constituée de 5 filières traditionnelles et de 5 filières émergentes. Pour atteindre l'objectif du doublement à l'horizon 2030, ces filières devront utiliser le dynamisme de 8 secteurs transverses et s'appuyer sur les 2 atouts maîtres qui sont la chance historique de notre pays : la zone économique exclusive et les entreprises maritimes leaders mondiaux dans leur domaine.
5 filières traditionnelles
Les 5 filières traditionnelles, ce sont les filières industrielles historiques qui ne cessent d'innover pour rester compétitives et se développer.
Le transport maritime et les ports : 95 % des biens échangés passent par les mers. C'est le mode de transport le moins polluant (3 fois moins que la route et 15 fois moins que l'avion) et le plus économique.
L'industrie navale et le nautisme : plus de 70 % de la production est exportée. Les constructions navales civiles ou militaires françaises sont parmi les plus réputées. Dans le domaine de la plaisance, la France est le leader mondial.
La pêche et les produits de la mer : la demande en ressources halieutiques est en augmentation continue, que ce soit en France ou dans le reste du monde. La pêche française est parmi les plus dynamiques et les plus innovantes d'Europe.
Les ressources énergétiques : 30 % du pétrole et 27 % du gaz sont produits offshore et représentent respectivement 20 % et 40 % des réserves mondiales connues. D'ici à 2030, la demande en énergies primaires augmentera probablement de 50 %.
Les communications : 99 % des communications intercontinentales, dont les ordres financiers, passent par des câbles sous-marins. 1 000 000 de kilomètres de câbles sont posés, toujours plus rapides - jusqu'à 160 To/s pour la prochaine génération.
5 filières émergentes
Les 5 filières émergentes, ce sont les nouvelles filières industrielles susceptibles de répondre aux nouveaux besoins.
Les énergies marines renouvelables : le potentiel des énergies marines renouvelables est estimé entre 20 et 90 KTWh, suffisant pour couvrir, à terme, les besoins de la consommation mondiale.
Les ressources minérales : en 2030, la part des minéraux marins sera de 10 % pour un marché de 10 milliards de dollars. Ils répondront aux besoins des industries high tech.
Les biotechnologies : la France est le 1er producteur européen de biotech. Les biotech marines utilisées dans les secteurs de la santé, de la nutrition, de la chimie, de l'énergie et des matériaux représentent un marché mondial en croissance de près de 12 % par an.
L'aquaculture : la consommation de poisson a plus que doublé, en France et dans le monde, sur les trente dernières années. En 2025, on atteindra une production mondiale de 102 millions de tonnes, soit une consommation de près de 13 kg par an et par habitant pour une population mondiale estimée à près de 8 milliards d'humains.
Tourisme et croisière : le tourisme littoral représente un marché mondial de 161 milliards de dollars. Plus de 5 000 yachts de luxe sillonnent les mers. Sans parler de l'attractivité toujours grandissante des régions littorales et des ports de plaisance de notre pays.
8 secteurs transverses
Dotés d'un fort dynamisme, les 8 secteurs transverses présentent des enjeux communs aux 10 filières ainsi qu'à l'ensemble de l'économie française :
L'environnement : l'océan produit 50 % de l'oxygène et absorbe 25 % du gaz carbonique. Il subit le changement climatique et les pollutions. Les innovations permettent de mieux protéger le milieu marin et les services écosystémiques essentiels à l'humanité.
La formation : nombre de métiers sont en mutation ou n'existaient pas il y a quelques années. Il faut former les jeunes (et les professionnels en formation continue) aux nouveaux outils et process. Cela représentera 1 million d'emplois d'ici quinze ans.
Les infrastructures : 10 industries françaises du BTP, présentes aussi dans le maritime, sont n° 1 mondial. Les infrastructures et les enjeux associés (innovation dans les matériaux et accès aux ressources) sont essentiels à la Croissance bleue : ports et réseaux (fleuve, rail, route), installations en mer (hydrocarbures, énergies marines renouvelables, parcs aquacoles, plateformes offshore multi-usage...), digues et polders.
Le numérique : la révolution numérique concerne aussi le maritime - automatisation et process, réalité augmentée, big data et data centers immergés, cybersécurité, etc.
La science et l'innovation : la recherche scientifique et l'innovation technologique permettent d'explorer le milieu marin (seuls 5 % des fonds marins et 15 % de la biodiversité marine sont connus) et de développer des solutions pour aller en mer, repousser les frontières du savoir et du possible.
Les services : assurance, courtage, droit et finance sont au coeur du maritime avec plusieurs leaders mondiaux français. Les nouveaux modèles de financement et d'assurance sont essentiels pour aider à l'innovation et à l'industrialisation.
La sûreté et la sécurité : en France, les services et l'industrie liés à la sûreté représentent 30 milliards d'euros sur un marché mondial de 600 milliards d'euros. Face à la montée des menaces en mer, la défense de la souveraineté et la protection de ceux qui sont en mer vont participer à la croissance de ce marché.
La surveillance satellitaire : la surveillance des espaces maritimes, le suivi du milieu marin et le monitoring des activités sont des marchés en plein essor. Avec des équipements innovants, le rôle déjà important de l'espace pour l'océan se renforcera.
Les 2 atouts maîtres
Les 2 atouts maîtres de la France sont géostratégiques et industriels.
La France possède le 2e espace maritime mondial, juste après les États-Unis et devant l'Australie. La zone économique exclusive française représente 11,5 millions de km2 avec 3 façades maritimes en Europe et une présence sur tous les océans et les grands axes de l'économie mondiale grâce aux outre-mer.
Les leaders mondiaux : de la start-up aux grands groupes, des écoles aux universités et laboratoires, la France compte plusieurs leaders mondiaux dans les secteurs clés de l'économie maritime. Ce sont ces grandes réussites qui vont s'exprimer dans les pages de ce numéro.
Souvenons-nous : il y a plusieurs décennies, notre pays a su se hisser au premier rang mondial de très grandes filières comme l'aéronautique ou le nucléaire. Mais cette position dominante n'a été conquise qu'au prix d'une véritable mobilisation de tous les acteurs français, de leurs atouts et de leurs expertises.
Le XXIe siècle sera le plus maritime de notre histoire. Ainsi qu'il vient de l'être montré, notre pays possède, de par sa géographie et son histoire, des atouts inestimables. Sa culture, son éducation, ses femmes, ses hommes, ses entreprises et son administration maritime lui confèrent toutes les expertises nécessaires.
La mobilisation de ces énergies et de ces compétences sera la clé du succès de notre France maritime.
La mobilisation a déjà commencé !
En effet, depuis plusieurs années, l'intérêt des décideurs politiques pour la mer et l'océan va grandissant. Pour tous les acteurs de l'économie maritime, présents au sein du Cluster maritime français, c'est une vraie satisfaction de constater qu'enfin la conscience de l'importance de l'économie maritime française s'améliore. Même si celle-ci est encore insuffisante ou imparfaite, elle est bien réelle.
L'ensemble des acteurs privés avec le Cluster maritime français et l'ensemble des filières maritimes sont rassemblés. Synergies, innovations et travaux collaboratifs sont les mots qui caractérisent cette « place maritime française ».
Le secrétariat général de la mer, qui incarne auprès du premier ministre la coordination des acteurs publics au service de la politique maritime française, se renforce et va se doter prochainement d'une nouvelle dimension économique.
Au début de 2017 et à l'appel du président François Hollande, le secrétariat général de la mer et le Cluster maritime français ont créé conjointement le « Comité France maritime ». Cette structure publique-privée très innovante sera l'outil de développement au service de la Croissance bleue française, ainsi que l'a confirmé le président Emmanuel Macron dans son programme pour l'élection présidentielle (1) : « Nous renforcerons le travail public-privé entrepris lors du précédent quinquennat autour du Comité France maritime. »
Qu'il me soit permis, avant de lui laisser la parole, de remercier Vincent Bouvier, secrétaire général de la mer, pour son action déterminée en faveur de la France maritime et sa contribution précieuse à ce numéro de Politique Internationale.