Grégory Rayko - Avant de parler de la politique étrangère qu'entend mener Emmanuel Macron, commençons par un bilan de l'action de son prédécesseur. À vos yeux, quelles ont été, en politique étrangère, les décisions les plus marquantes du mandat de François Hollande ?
Thomas Gomart - Selon moi, il faut en retenir trois. La première, c'est l'intervention simultanée, en janvier 2013, en Somalie pour libérer Denis Allex (1) et au Mali pour stopper la progression de groupes armés terroristes vers Bamako. François Hollande démontre alors, contre toute attente, sa capacité de décision et de réaction. Il n'a pas hésité à employer l'outil militaire français de manière presque complètement autonome, rompant ainsi avec les opérations conduites en coalition. Avec lui, la France a montré qu'elle pouvait, à nouveau, faire usage de la force, y compris seule quand elle le décidait. En assumant ainsi son rôle de chef des armées, il a utilisé les interventions militaires pour essayer de rehausser une fonction présidentielle passablement affaiblie par ses déboires personnels sur la scène intérieure. Quatre ans plus tard, le résultat est encore visible : son intervention a évité une prise de Bamako qui aurait entraîné un effondrement du Mali. Ce résultat doit être consolidé politiquement et passe par l'opération Barkhane (2). La France est durablement impliquée, militairement, dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne qui reste une zone d'instabilité dont ni Paris ni l'UE ne peuvent désormais se détourner.
Deuxième épisode à porter à son crédit : la COP21, c'est-à-dire une modalité de négociation particulière qui a abouti à un texte - l'Accord de Paris - d'une portée considérable. C'est un véritable accord universel puisque seulement deux pays ne l'ont pas signé : le Nicaragua et la Syrie. On mesure sa portée aux réactions qu'a suscitées l'annonce, par Donald Trump, que les États-Unis allaient s'en retirer. Il s'agit sans doute d'un nouveau tournant dans les relations entre Washington et le reste de la communauté internationale. Laurent Fabius a consacré une bonne part de son mandat à la tête du ministère des Affaires étrangères à ce dossier, sillonnant les cinq continents pour préparer la COP21. Il a su mettre en oeuvre une méthode sophistiquée de consultation, de négociation et de décision, qui pourra servir - qui sait ? - de vade-mecum pour traiter d'autres biens publics mondiaux. Cette méthode a su combiner une approche interétatique classique, basée sur les rapports de force, et une approche tournée vers les sociétés civiles, basée sur de nouvelles formes de collaboration. Face à une situation complexe concernant l'ensemble de la planète, il fallait inventer une méthodologie complexe, à la fois inclusive et efficiente. C'est fait.
Le troisième aspect est nettement moins positif : en matière de politique européenne, les années Hollande ont été, pratiquement, cinq années blanches. Au début de son mandat, François Hollande a mal évalué le rapport de force avec Berlin en misant sur une victoire du SPD. Or Angela Merkel a remporté un triomphe en septembre 2013. François Hollande a alors répété le catéchisme franco-allemand sans …
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